BALLAND André - 1958 l
BALLAND (André), né le 12 juin 1937 à Sceaux (Seine) décédé le 29 janvier 2015 à Paris. – Promotion de 1958 l.
Le père d’André Balland était l’archicube René Balland, de la promotion litté- raire de 1921 . André fit toutes ses études, de la 11e à la khâgne, au lycée Lakanal, à Sceaux . Il entra à l’École en 1958, cacique de la promotion des lettres . Avant de se marier en août 1959, il fut interne . On le rencontrait donc tous les jours, soit au pot, soit aux cours . En ce temps-là, la première année, pour ceux qui se destinaient à l’agrégation des lettres, était consacrée à la préparation du certificat de grammaire et philologie qui, avec les certificats de français, de latin et de grec, constituait la licence . Pour cela, l’École nous offrait une panoplie, si j’ose dire, de cours et de bons maîtres . Il y avait aussi, pour les latinistes de toutes les années, des cours de spécia- lité : celui de Pierre Boyancé (1921 l) sur la philosophie et la religion romaines ; celui de Jacques Heurgon (1923 l) sur l’archéologie italique . C’est ce dernier qu’An- dré choisit comme directeur de recherches pour son mémoire de diplôme d’études supérieures, en seconde année d’École . Son sujet portait sur la poésie de Catulle . L’année d’agrégation resserra davantage les rangs des littéraires et permit de nous retrouver quotidiennement et de mieux nous connaître . L’atmosphère était amicale, sans trop d’inquiétude, et surtout sans rivalité . André fut reçu premier de nouveau, simplement, sans l’avoir voulu, parce que c’était lui . On n’avait pas l’impression qu’il y avait pensé . En 1961-62, il fit une année supplémentaire après l’agrégation, au titre de la préparation à l’École de Rome . Pour cela, il commença, sous la direction de Raymond Bloch (1934 l) un mémoire de l’École pratique des hautes études (IVe section) intitulé Recherches sur l’architecture domestique dans la Nova Urbs de Néron qu’il acheva le 15 mars 1964 . Son premier poste fut celui de professeur au lycée d’Orléans . Il ne l’occupa que peu de temps, étant appelé au service militaire qui était alors de dix-huit mois .
En 1964, il fut admis à l’École française de Rome où j’eus la joie de le retrouver l’année suivante . C’est là que je l’ai le mieux connu . Avec sa femme et leur fille Pascaline, il habitait un appartement Piazza Farnese, tout près du Palais . Sa mission principale à l’École fut de poursuivre les fouilles de Bolsena avec d’autres membres de l’École, dont je n’étais pas . Ceux-ci, André Tchernia (1957 l), Christian Goudineau (1959 l), Pierre Gros (1960 l), qui travaillèrent avec lui sur le chantier diraient mieux que moi ce que fut son activité . Il s’était spécialisé dans la céramique arétine et je le revois au Palais Farnèse, dans la petite salle qui leur servait de laboratoire, devant la boîte où s’entassaient les tessons . Nous avons fait ensemble quelques excursions et je me souviens particulièrement d’un voyage en Italie du Nord où il me fit découvrir les fresques médiévales de Castelseprio .
Après trois années à Rome, il fut nommé assistant, puis maître-assistant à l’Institut de latin de la Sorbonne, en 1967 . Je le rejoignis un an plus tard et je regrette de pas lui avoir trop demandé alors comment il avait vécu le printemps . Donc nous fîmes ensemble la rentrée de 1968 qui eut lieu, si je me souviens bien, en février 1969 . Nous eûmes à mettre en place le nouveau système des unités de valeur . André et moi n’étions pas affectés dans les mêmes unités, mais un jour par semaine où nos emplois du temps concordaient, nous nous retrouvions pour déjeuner dans un petit restau- rant qu’il avait déniché près de Censier où nous nous régalions d’un petit salé aux lentilles . Nous parlions cependant de notre enseignement, de littérature, de musique et d’autres choses : jamais de politique ! ni de sport !
Ce temps dura peu . En 1971, il fut appelé à l’université de Bordeaux-III comme maître de conférences, puis comme professeur . Dès lors nos rencontres furent rares mais nous nous suivions du regard . Je crois pouvoir dire qu’il était professeur dans l’âme . Il aimait l’enseignement et il aimait le latin, le thème latin même . Il me citait le beau mot de Sénèque : tenera frons iuvenum. Il n’y voyait pas seulement une allu- sion à l’émotivité de la jeunesse, mais à sa malléabilité d’esprit qui exige du maître un respect scrupuleux de la vérité, de l’exactitude .
André montra combien il se préoccupait de l’enseignement en acceptant la charge assez lourde du recrutement dans le jury du concours d’entrée de l’École et dans celui de l’agrégation des lettres (classiques) . Pour clore ce chapitre de l’enseignement, je voudrais citer un témoignage . Par des amis du Sud-Ouest j’ai lu, dans un journal local, un entre- tien avec François Bayrou dans lequel, évoquant ses études à Bordeaux, celui-ci citait André Balland comme un maître qui l’avait marqué . Tout le monde n’a pas droit à un tel compliment de la part d’un ancien ministre de l’Éducation nationale .
À côté de l’enseignement, l’activité scientifique d’André a été importante . Sa produc- tion a commencé assez tôt . Son premier article, issu de son DES, fut publié en juin 1961 dans le Bulletin de l’Association Guillaume-Budé sur la structure musicale des plaintes d’Ariane dans le carmen LXIV de Catulle. On y découvre toute la sensibilité littéraire et musicale d’André : il avait étudié le violon . À l’École de Rome, il se consacra aux recherches archéologiques . Son article de première année portait sur l’antre des nymphes de la domus aurea. Dans les années qui suivirent, il participa à des campagnes de fouilles à Xanthos en 1068, 1969, 1970, 1972, 1973 et 1975 . De là sortit sa thèse Inscriptions d’époque impériale du Létôon, tome VII des Fouilles de Xanthos, Paris, Klincksieck, 1981 . Ce n’est pas le lieu de décrire ici tout l’intérêt que présente cette étude pour l’histoire politique, administrative, économique du premier siècle . On doit aussi à André Balland la révision pour la Collection des Universités de France de la 14e édition de la Guerre des Gaules de Jules César (en 1995 et 1996) et des respectivement 9e et 8e éditions des deux volumes de la Guerre civile (en 1997) . Il publia ensuite deux articles sur le poète Martial où il traite, entre autres, de questions prosopographiques . Cette rapide énumé- ration montre qu’André Balland était un latiniste complet, aussi à l’aise dans l’étude des auteurs que dans les problèmes historiques et les recherches archéologiques .
Il est mort le 29 janvier 2015 . La nouvelle me parvint brutalement, par un message du Palais Farnèse . Quelques mois plus tôt, je lui avais téléphoné et, à ma question sur sa santé, il avait répondu évasivement . J’ai peut-être eu tort de ne pas chercher à en savoir plus . Mais autant il était attentif à autrui, savait écouter, autant une modestie naturelle me semblait l’empêcher de parler de lui .
Il laisse trois enfants et sept petits-enfants . Il était chevalier de la Légion d’honneur .
Marc REYDELLET (1958 l)