COCHER Emmanuel - 1990 l
COCHER (Emmanuel), né le 14 avril 1969 à Versailles (Yvelines), décédé le 6 mai 2022 à Buenos Aires (Argentine). – Promotion de 1990 l.
Emmanuel n’a jamais eu peur de partir seul en voyage . Il est âgé de 8 ans seulement quand Guilhem, son père, part en mer avec des amis . Il n’en reviendra pas . « Ton père est parti seul en voyage », lui annonce sa mère, Marie-Jo, sans attendre . Tout de suite, il comprend . Son père est parti et il ne reviendra pas . Sur la disparition tragique de son père, Emmanuel sera toujours particulièrement discret voire silencieux . Il ne faut pas chercher de fausses consola- tions et point n’est besoin de se voiler la face . Il faut tenir, il faut agir . Il faut savoir se taire plutôt que de dire des bêtises .
Se taire n’est pourtant pas le fort d’Emmanuel . Il aime tellement parler . Bien avant la mort de son père, il se tient déjà au balcon de leur appartement du Plessis- Robinson, lancé dans des discours interminables à l’attention des personnes de la résidence qui veulent bien l’entendre . Et si personne ne l’écoute, ça n’est pas très grave : il faut dire les choses, il faut dire beaucoup de choses et bien les dire . Au Plessis le soir quand il était enfant, il poursuivait sa mère dans tous les recoins et quand elle finissait par lui intimer l’ordre d’aller se coucher, il la poursuivait jusqu’au pied de son lit . Et quand elle ne voulait plus l’entendre, c’était au tour de sa sœur de subir ses discours refaisant le monde .
Emmanuel n’a jamais eu peur de partir seul en voyage . À la fin de sa sixième, il part seul à Londres retrouver sa tante Agnès qui y était fille au pair pour une année . En fin de cinquième, il part seul à New York rendre visite à une amie de la famille . Dans la file d’attente pour l’enregistrement, il se glisse au milieu d’un couple qui attendait également .
Et qu’on ne s’avise pas de lui mettre une étiquette au cou précisant qu’il est un mineur non accompagné . Emmanuel sait ce qu’il a à faire et il prend toujours les moyens de le faire . En fin de quatrième ce sera Los Angeles, chez une amie d’origine mexicaine . Il y parle autant l’espagnol que l’anglais . Les langues pour lui ne sont pas un problème . Il suffit de bien les parler pour pouvoir bien parler .
L’année d’après, il va rendre visite à une amie de sa mère à Chicago . Mais le voyage décisif sera celui qu’il fera en Inde après la classe de seconde . Marie-Jo souhaitait qu’au minimum il parte avec un copain mais aucun de leurs parents n’a accepté . Emmanuel lui-même aurait-il accepté d’être accompagné ? Même pas sûr . Il obéit tout de même à sa mère – cela arrivait... par accident – qui avait seulement exigé de savoir chaque soir où il dormirait .
Oui, le voyage en Inde est décisif . Emmanuel s’appuie à fond sur les réseaux familiaux . Le père de sa mère connaît tellement d’évêques et de prêtres ! Même s’il baigne dans le magnifique héritage d’un catholicisme social dont la spiritualité toute évangélique se soucie de tout humain en détresse, Emmanuel a eu sa petite période de révolte . Mais au contact des missionnaires, Emmanuel se convertit radicalement . Dans l’Église, il reçoit la foi . Et, ni de l’une, ni de l’autre il ne se séparera plus . Après l’Inde, il recevra le sacrement de la Confirmation, cap décisif pour lui d’une conversion et d’une mission . Toutefois, trop respectueux de chacun, jamais il n’aura le souci de diriger quiconque vers la foi . On ne devient pas son ami sur la base de ce critère .
Il y a quelques semaines encore Emmanuel avait des échanges avec le père Henri Bonal, des Missions étrangères de Paris, qu’il avait rencontré pendant son premier voyage en Inde . Profitant d’un séjour à New Delhi pour le travail, il y a à peine quelques années, Emmanuel était allé le revoir dans les villages du Tamil Nadu où il avait construit église sur église et surtout dans lesquels il continuait de mettre en place tout ce qu’il fallait pour prendre soin des orphelins et des déshérités . Plusieurs fois par an Emmanuel échangeait de longues lettres avec Henri Bonal . Le courrier, il aimait ça . Il tenait avec une redoutable exigence un fichier des proches et des amis qui seraient dignes de recevoir sa, puis notre légendaire carte de vœux . Si quelqu’un se risquait à omettre d’y répondre de deux années d’affilée, son nom disparaissait du fichier . Mais jamais de son cœur .
Emmanuel n’avait certes pas peur de partir seul en voyage, mais il y a vingt-quatre ans il avait décidé que le voyage se poursuivrait avec moi . Devant le centre Georges Pompidou dont je reparlerai plus loin, j’errais dans ma solitude et mes pensées tristes . Un très beau jeune homme – il n’avait pas 30 ans – serre les freins de sa bicyclette et s’arrête net face à moi, m’empêchant d’aller plus loin . De son côté, il avait déjà fait le deuil de trouver l’âme sœur . Il était convaincu qu’il ne la trouverait jamais . De mon côté, je rêvais encore qu’il soit possible de la rencontrer mais j’étais tellement difficile que je donnais peu de chance au rêve de se réaliser . Il se réalisa ce soir de la fin août 1998 .
Nous fûmes parmi les premiers à nous pacser à Paris . Dans les débuts, ça se passait au tribunal d’instance et la magistrate qui recevait notre consentement était totale- ment perdue, même si elle voulait bien faire . Nous nous sommes mariés le 31 août 2013, dès que la loi l’a rendu possible . Tout obéissant qu’il fût à l’Église, Emmanuel n’a jamais été ébranlé par les prises de position de l’institution sur la question . Il en était seulement attristé et consterné . Et pour éloigner la consternation il riait avec moi : le mouvement qui entraînait des millions d’opposants dans les rues, il l’appelait « La manif contre tous » . Quand sa conscience éclairée par sa vive intelligence le lui dictait, rien, ni personne, ne pouvait le faire renoncer à son engagement . Puisque c’est beau, puisque c’est vrai, et qu’il est absolument certain que c’est un don de Dieu, pourquoi faudrait-il le cacher ?
Emmanuel plus que tout aimait la messe . Pour rien au monde il n’aurait manqué la messe dominicale . Où qu’il soit, quel que soit son état . Après sa première opéra- tion le 23 avril dernier à Asunción, Emmanuel reste en convalescence à l’hôpital pendant quelques jours, mais on ne peut quasiment pas se parler tant c’est bruyant et il en souffre beaucoup . Je garde de lui un message vocal sur WhatsApp, difficile à entendre au milieu du vacarme agressif des marteaux piqueurs . Mais son désir est enfin entendu : il va pouvoir passer par la résidence et y séjourner trois jours puis poursuivre le voyage vers Paris . Il va pouvoir faire ses valises . Et surtout, le dimanche, il va pouvoir aller à la messe dans sa paroisse . Ça n’était certainement pas raisonnable mais pour lui ça n’était pas une mince consolation .
Emmanuel aimait l’ordre . À chaque approche de son retour d’un voyage, notam- ment ces dernières années quand il revenait d’Édimbourg ou d’Asunción, j’étais stressé à l’idée qu’il ne retrouve pas les choses exactement comme il les avait lais- sées . Si l’un de ses outils n’était plus à sa place, c’était une catastrophe... comme si j’avais attenté à sa vie ! Son bureau, le linge de maison, les ustensiles de cuisine, ses affaires, les miennes, les nôtres, tout avait sa place, qui ne devait pas changer . Sauf si subitement il décidait qu’une autre organisation s’imposait ; elle balayait alors l’autre sans aucun remord . Emmanuel aimait beaucoup les gros chantiers et il adorait le bricolage . Mais à peine avait-il achevé un travail que l’atelier était propre et en ordre comme si rien n’avait jamais servi .
Emmanuel aimait la mer . Une interprétation trop superficielle avancerait qu’il y cherchait le souvenir de son père . Il y a là sûrement quelque chose de vrai mais cela n’explique pas tout l’attachement qu’il lui portait . Bien plus que la mort, pour lui la mer c’était la vie : les longues traversées, tous les amis qu’il s’y était faits, les longues stations sur la plage à dormir et à rêver . Sans oublier la manière unique et drôle qu’il avait de rentrer dans l’eau : à quatre pattes quelle qu’en soit la température . Il faisait penser à un phoque . L’un d’eux, à la Pointe de Corsen, l’avait tellement approché quand il nageait qu’il en avait eu peur . Mais quand la peur le saisissait, Emmanuel la dépassait dans l’action .
Emmanuel donc aimait la mer et il aimait l’ordre . Il a notamment trouvé dans la Marine de quoi exercer ces deux amours . Beaucoup d’amitiés en sont nées . Beaucoup, qui avaient connu Emmanuel en mer ou grâce à la mer, en ont témoigné ces dernières semaines . Amiraux ou simples matelots, ils recevaient sur l’eau ses confidences, il écoutait, enseignait, dirigeait, se soumettait . Tous les amis qu’il s’y fit devinrent des amis pour la vie et sûrement au-delà de la vie . Quand Emmanuel nouait des liens, ils étaient faits pour durer .
Emmanuel ne considérait pas la culture comme une sorte de couche qui s’ajoute- rait à la vraie vie . La culture, c’était sa vie en profondeur . Il n’aimait pas du tout les salles de spectacle parisiennes parce que l’on s’y rend plus pour être vu que pour voir, écouter, s’émerveiller . Emmanuel était radicalement cultivé parce qu’il adorait lire, aller à des concerts, à l’opéra, au théâtre, au musée, visiter des monuments anciens ou s’émerveiller d’une architecture futuriste . Après chaque spectacle, il s’installait à son bureau et prenait consciencieusement des notes, établissant sa propre critique . Non pour je ne sais quelle publication mais pour aiguiser son intelligence et sa sensibilité à la lumière de la création artistique . Sans être fortuné il était bienfaiteur d’un grand nombre d’établissements culturels, simplement pour les soutenir et pour manifester sa pleine adhésion à leur manière de remplir leur vocation créatrice . À 14 ans, il osa animer un groupe de correspondants du centre Pompidou, rédigeant un bulletin régulier avec une critique de chaque nouvelle exposition . Le Centre le repéra et se rendit compte qu’il n’avait même pas l’âge requis pour accomplir cette mission . Bien évidemment, les responsables de Beaubourg furent bien contents ne pas avoir vu cela plus tôt . On ne se prive pas d’un tel supporter !
Aucune intempérie ne l’aurait empêché d’enfourcher son vélo pour se rendre à La Villette écouter Olivier Messiaen – du vivant ou après la mort de celui-ci –, revoir un des films de Jacques Tati . Il les connaissait par cœur . Il citait de mémoire, avec une parfaite fidélité, des tirades entières du Malade imaginaire, voire les phrases les plus longues des romans de Marguerite Duras, notamment celles d’Un barrage contre le Pacifique .
Depuis son décès, de nombreux établissements culturels et bon nombre d’artistes pleurent un ami et un indéfectible soutien . Dans sa direction de l’Institut français à Édimbourg, comme dans son soutien à l’art sous toutes ses formes à Asunción, ce n’était pas une obligation professionnelle qu’Emmanuel accomplissait d’abord . Il promouvait avec une force peu commune tout ce pour quoi il avait du goût et... il s’intéressait à tant de choses ! Sans toutefois beaucoup d’indulgence pour ce qui à ses yeux ne valait pas grand-chose .
À l’école sa professeure de dessin avait demandé aux enfants d’ébaucher au crayon leur portrait à l’âge adulte tel qu’ils le concevaient . Emmanuel obtint la note de 20/20 . Il avait esquissé les contours d’une salle grande et ronde comme la Terre : l’as- semblée générale des Nations Unies ! Le secrétaire général prononçait un discours . Et ce secrétaire général, c’était lui !
La carrière, ce fut très important pour lui . Il avait probablement en bonne partie hérité cela du père de son père, Marcel, qui fit une belle carrière dans les douanes . Emmanuel aimait sa carrière et à chaque étape il sut donner le meilleur de lui-même, et même un peu plus . Un peu trop même ! Mais il n’était pas carriériste et n’accepta aucune compromission, fût-elle indispensable pour avancer . Il l’a peut-être payé un peu trop cher : tout diplomate, et même le diplomate fin et étincelant qu’il était, Emmanuel n’était pas un politique . Il avait un haut sens de la mission et une totale aversion pour la compromission .
Les éloges pleuvent dans les nombreux témoignages que je lis sur Internet ou que je reçois directement de ses amis et de nos amis . Je cite quelques mots d’une longue lettre que m’a écrite Sébastien, l’un de ses collègues : « Vous savez mieux que moi ce que j’évoque là, mais ces choses ne sont jamais dites suffisamment . Si trois mots devaient résumer Emmanuel (ce qui est naturellement impossible...), ce seraient à mon sens les mots de liberté, d’intransigeance et de générosité . Dans chacune de ses réflexions, chacun pouvait sentir à quel point Emmanuel était intimement et profon- dément un individu libre, ennemi de tout dogmatisme et de toute pensée convenue . Ce qu’il pensait/exprimait, il ne s’agissait jamais d’un emprunt, mais toujours du fruit de ses sentiments et pensées, nourri de son expérience, de sa grande culture et de sa foi ardente . Il était d’ailleurs souvent difficile d’anticiper ce qu’Emma- nuel penserait de tel ou tel sujet, tant sa réflexion suivait un chemin profondément personnel, toujours exprimé avec force et clarté . Quant au mot d’intransigeance, j’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de constater à quel point il ne s’agissait pas chez lui d’un défaut mais plutôt d’une aptitude remarquable à tenir bon chaque fois que nécessaire, chaque fois que la tentation chez certains de transiger sur les sujets qui lui tenaient le plus à cœur lui apparaissait comme une forme de lâcheté, voire de trahison . Il y avait parfois chez lui quelque chose de profondément romanesque et littéraire, pas très loin d’un Cyrano . Il partageait avec celui-ci le refus de toute complaisance, le rejet de tout esprit de courtisanerie, et la conviction intime que l’on ne peut rien entreprendre de bon à moins que cela s’inscrive dans des idéaux vécus intimement, sincèrement . Je ne crois pas nécessaire de développer ce que j’entends par la générosité d’Emmanuel, tant celle-ci inspirait son quotidien . »
Pour nombre de ses amis, perdre Emmanuel c’est un peu comme perdre un proche . Pour moi c’est la fin du monde . Emmanuel aimait de temps à autre me raconter comment il avait ressenti la tempête de la fin 1999 . Dans la nuit du 25 au 26 décembre, j’accompagnais un voyage à l’étranger et lui était seul dans notre apparte- ment de la rue des Petits Carreaux à Paris . Réveillé par les premières chutes d’objets, il regarde par la fenêtre de sa chambre et voit des morceaux de civilisation emportés par les tourbillons et se fracasser contre les murs . Il referme les rideaux, retourne au lit en se disant : « Bon, c’est la fin du monde . » Puis il se rendort confiant .
Emmanuel avait un don particulier pour consoler celles et ceux de ses amis qui connaissaient l’épreuve redoutable de la perte d’un être très proche . Simone et Raymond Devos étaient les voisins de tante Gaby et Emmanuel aimait aller les voir, eux... ainsi que leurs chiens . Il adorait quant à table Raymond testait sur eux son invention du jour . Quand Emmanuel apprit que Raymond venait de perdre Simone
190 L’Archicube n° 33 bis, numéro spécial, février 2023
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Cocher
son épouse, il fut bouleversé . Nous étions ensemble à la maison . Il se mit immédiate- ment à son bureau et rassembla dans une lettre venue du cœur tout ce qu’il put dire de l’estime et de l’affection qu’il avait pour elle . Il choisit l’un des plus beaux timbres de sa collection et s’empressa de poster le tout . Raymond fut si profondément touché par cette lettre qu’il la donna au curé qui devait célébrer la messe des funérailles . Au moins celui-ci aurait-il de la matière s’il venait à manquer d’inspiration . La lettre d’Emmanuel est finalement devenue l’homélie du prêtre . Il l’a lue dans son intégra- lité sans rien y ajouter .
Emmanuel aimait consoler . Emmanuel aimait rire et faire rire . Quand nous allions à Plougrescant rejoindre la famille Tardy, il était tellement drôle que ses cousins pleuraient de rire à entendre ses histoires . C’était un conteur et il se servait aussi de ses récits hilarants pour souligner le ridicule et la vanité de certains comportements, y compris de ceux dont il était victime . Plusieurs de ses collègues au ministère ces derniers jours me disent combien à travers son humour ils ont compris la vraie vie au Quai d’Orsay . Là, il recrée la CFTC, là, il encourage la parité, l’embauche des handicapés et de celles et ceux dont la condition sociale et le cursus aurait normale- ment fermé l’accès à cette carrière . Récemment, sa hiérarchie lui a très injustement reproché d’avoir pris la défense des agents en poste à l’étranger suite à la gestion catastrophique du Covid les concernant .
Sa vie, je ne me risquerai pas ici à la résumer . De toutes les manières ou d’une certaine manière, elle n’est pas finie .
Emmanuel ne voulait pas mourir . Souvent il me le disait . Plus souvent encore ces derniers temps il me le disait . Il parlait toujours de la retraite . Il pensait que nous pourrions alors vraiment profiter de la vie, profiter l’un de l’autre, faire plus encore de belles choses . Je lui disais qu’il n’était pas certain que nous y arrivions et qu’il était presque certain que je n’y parviendrais pas . Mais cela il ne voulait pas l’entendre .
Emmanuel ne voulait pas mourir parce qu’il aimait intensément la vie . Emmanuel ne voulait pas mourir parce qu’il m’aimait et parce qu’il savait bien que sans lui je serais totalement perdu .
Emmanuel ne voulait pas mourir . Pendant son bref séjour à la résidence d’Asunción, avant de s’envoler pour Buenos Aires, nous nous sommes évidemment parlé et il m’a également envoyé quelques messages . En voici un extrait : « Je suis très soulagé d’être dans mes affaires et au calme . Toute cette affaire me secoue quand même . J’aimerais tant continuer de vivre ma petite vie tranquille . Je t’aime et je suis désolé de te causer des soucis . »
S’il ne voulait pas mourir, c’est aussi parce qu’il me savait infiniment fragile . Le premier des prénoms que ses parents avaient choisi pour lui, c’est Emmanuel . De l’hébreu imanu’él ִצָמנוִִּאל∙, Dieu parmi nous, Dieu avec nous . Emmanuel n’a jamais été mon dieu mais il était la preuve tangible que Dieu n’était pas totalement absent . En le perdant, je perds aussi cela . En le perdant je perds tout .
Emmanuel ne voulait pas mourir . Il n’a écrit aucune dernière volonté parce que celle-là était l’unique : ne pas mourir . J’espère qu’il a été entendu . J’espère que sa dernière volonté sera respectée .
Ce texte a été lu par Thomas Guibert au début de la messe des funérailles d’Emma- nuel, le samedi 21 mai 2022.
Hubert BEBBASCH, son conjoint
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Passionné de culture comme de relations internationales, ouvert et attachant,
Emmanuel Cocher a dirigé avec talent l’amicale des normaliens dans la diplomatie . Chez lui, l’homme de culture et le représentant de la France n’ont jamais été claire- ment séparés .
J’ai fait la connaissance d’Emmanuel en mai 2017, à l’occasion d’un voyage en Écosse des Anciens de la conférence Olivaint . Emmanuel était consul général à Édimbourg . Il nous a accueilli avec une grande gentillesse et a éclairé pour nous avec subtilité les relations complexes qu’entretient l’Écosse avec le Royaume-Uni . Emmanuel aimait l’Écosse : comme l’a relevé la First Minister Nicola Sturgeon après son décès, il a su entretenir et fortifier l’Auld Alliance qui unit l’Écosse à la France .
Stéphane GOMPERTZ (1967 l)
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L’École avait un club des normaliens dans l’entreprise, une association des normaliens juristes, et d’autres encore, mais malgré la célébrité de certains archicubes, rien ne rassemblait les normaliens diplomates ou futurs diplomates . Il fallait y remédier d’autant plus que les stages en ambassade étaient fort prisés par les jeunes élèves comme par leurs ambassadeurs .
L’amicale des normaliens diplomates fut lancée en décembre 2011 par Marie de Sarnez, Gaëtan Bruel et Mathilde Durieu du Pradel, élèves à l’École, et placée sous le patronage d’Alain Juppé (1964 l) . Emmanuel Cocher accepta d’en devenir l’animateur . L’objectif était certes de mieux faire connaître aux élèves le métier de diplomate, mais aussi de les aider à trouver des stages, et de les encourager à mener des recherches dans le domaine de la diplomatie . Dès janvier 2012, Emmanuel lançait un programme de conférences, tant à l’École qu’au ministère des Affaires étrangères, avec des interventions de Philippe Coindreau, Stéphane Gompertz (1967 l), Cosimo Winckler, Sébastien Fagart (1977 l) et Anne-Marie Descôtes . Plus tard, ce seront Antonin Baudry (1998 B/L), Philippe Étienne (1974 s), Hélène Duchêne (1984 L), Laurent Fabius (1966 l), François Nicoullaud, Pascal Confavreux (2006 B/L), Thierry Burkard (1960 l), Jean-Pierre Filiu, et j’oublie assurément des interve- nants . Emmanuel organisa une visite à l’Unesco où les normaliens furent accueillis par Philippe Lalliot, une autre chez Thalès grâce au vice-président de l’époque, Christophe Farnaud (1986 l), un voyage d’une journée à Genève et une rencontre consacrée à l’Inde . S’y ajoutent la réalisation d’un annuaire des membres de l’amicale et la participation fort appréciée d’Emmanuel aux Rendez-vous Carrières organisés par l’a-Ulm .
Prenant conscience de l’importance des carrières diplomatiques pour les archi- cubes et des stages pour les élèves, l’École avait créé une filière « diplomatie » dont témoigne le séminaire de Bénédicte de Montlaur (1998 l) . Mais en 2015, Emmanuel Cocher a été nommé Consul général à Édimbourg . Revenant d’Écosse, il a été déçu par la « mise en veilleuse » de l’amicale : « En pratique, écrit-il alors, j’ai effective- ment tout organisé d’un bout à l’autre . Mais ma conviction est que si on ne peut plus toucher les élèves, ça ne sert à rien . » Espérons que d’autres reprendront le flambeau .
Anne Lewis LOUBIGNAC (1965 L)