Communiqué sur la défense des langues
(Association des anciens élèves, élèves et amis de l’Ecole Normale Supérieure)
Sur la défense des langues
Parce qu’aucune nation n’a d’avenir si elle méconnaît ou renie son passé, comme le montrent trop bien les dérives barbares qui, en ce moment même, appauvrissent culturellement les pays en guerre ;
Parce que la maîtrise d’une langue, y compris de la langue maternelle, passe par la connaissance solide de ses racines et aussi par la richesse du plurilinguisme infiniment supérieur au bilinguisme de façade qui réduit la langue de Shakespeare à un esperanto technologique ;
Parce que cette exigence est la condition préalable de toute pensée accomplie et inventive, qu’elle soit artistique, littéraire ou scientifique, ainsi qu’en attestent les échanges entre linguistes, philosophes, musiciens, mathématiciens, physiciens, biologistes au cœur d’institutions comme notre Ecole ;
Parce que le savoir se fonde sur des sciences solides, comme sont les sciences auxiliaires des latinistes et hellénistes (archéologie, épigraphie, histoire, philosophie etc.) et non sur des « savoirs transversaux » mal maîtrisés dont chacun sert d’alibi à l’ignorance dans un autre domaine et qui ne sauraient constituer le « socle » d’une éducation quelle qu’elle soit ;
Parce que toute formation d’excellence repose sur une culture populaire qui permet de dégager progressivement des élites dans le respect de l’égalité des chances ;
Parce que l’Ecole de Jacqueline de Romilly, de Pierre Grimal, de Jean Giraudoux, de Claude Hagège, de Cédric Villani ne peut laisser brader l’enseignement du grec, du latin, de l’allemand non plus que le plurilinguisme ;
Parce que le savoir authentique vaut toujours mieux que la médiocrité et l’ignorance qui, elles, mènent au chaos ;
Parce qu’enfin la Culture n’est pas un vilain mot mais un bien collectif, auquel chacun doit pouvoir avoir un accès ouvert et libre ;
Notre association s’élève contre le gâchis des compétences prévu par le projet de réforme du collège pour 2016, en particulier :
- la réduction au rang d’épiphénomènes ou de saupoudrage des disciplines humanistes que sont le latin et le grec, dont le caractère formateur et la richesse culturelle sont indéniables, et qui doivent continuer d’être enseignées en tant que telles par des professeurs qualifiés,
- la détérioration préjudiciable des conditions et des horaires de l’enseignement des langues vivantes étrangères autres que l’anglais par la disparition programmée des classes européennes et des sections dites bilangues.
La Présidente
Marianne Laigneau