GRANER Georges - 1953 s
GRANER (Georges), né le 23 août 1933 à Konstantinov (URSS), décédé à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) le 19 septembre 2021. – Promotion de 1953 s.
Georges Graner est né de parents hongrois dans ce qui était alors l’URSS . Son père, Joseph, ingénieur chimiste et – à l’époque – sympathisant communiste, avait été recruté par les Soviétiques en 1932 comme spécialiste étranger . La raffinerie dans laquelle il était employé était, selon la légende familiale, celle-là même où Mendeleïev aurait travaillé . Joseph avait déjà vécu dans plusieurs pays d’Europe et parlait couramment cinq langues . Il a transmis à Georges un goût affirmé pour les langues .
En août 1937, au moment des grandes purges staliniennes, ses parents réussissent de justesse à quitter l’URSS avec Georges, grâce à un visa provisoire accordé par l’ambassade de France sous le prétexte de visiter l’Exposition universelle de Paris . À son arrivée en France à l’âge de 4 ans, Georges parlait hongrois avec ses parents, avait appris un peu de russe à l’école maternelle, mais ne connaissait pas un mot de fran- çais . Au cours de ses années d’enfance puis d’adolescence, il a assimilé totalement non seulement la langue mais aussi la culture française, à laquelle il était très attaché . La famille est d’abord temporairement hébergée à Paris par un oncle déjà établi en France depuis 1920, puis s’installe à Douai où le père a trouvé un travail . Pendant l’occupation allemande, alors que ses parents, déclarés comme juifs, se cachent du mieux qu’ils peuvent en banlieue parisienne, Georges est accueilli d’avril 1943 à octobre 1944 dans un village du département du Nord, Glageon, sous une fausse identité, par deux femmes courageuses, Rosa et Marcelle Boudens, qui le font passer pour un petit cousin . Ce faisant, elles n’ignoraient pas qu’elles s’exposaient à un risque majeur, le Nord étant « rattaché au gouvernement militaire de Bruxelles », encore plus étroitement contrôlé par les Allemands que la zone occupée . Georges est resté en relations chaleureuses avec elles jusqu’à la fin de leur vie . Il avait récemment exprimé son regret de ne pas avoir pu effectuer les démarches qui auraient permis de les faire reconnaître officiellement comme Justes .
Après la guerre, c’est le retour à Douai, ville toujours restée très chère à son cœur, l’acquisition de la nationalité française, l’installation à Paris en 1951 .
C’est en classe de première qu’avait pris naissance son goût pour la physique . Voici ce qu’il relate à ce propos en 1997 : « En première, j’ai même commencé à tenir un carnet où j’avais la prétention de noter toutes les formules de Physique . J’avais soigneusement laissé des pages blanches pour les années suivantes, mais dès le début de Math-Élem, j’ai compris que j’avais sous-estimé de beaucoup l’ampleur de la physique et le nombre de formules . »
Georges, qui avait effectué sa première année de Classes préparatoires scientifiques au lycée de Douai, entre en « taupe » au lycée Saint-Louis et intègre l’École normale supérieure en 1953 . Parmi ses camarades de promotion, nombreux sont ceux qui devinrent des amis de toute une vie . Ne pouvant les citer tous, retenons tout parti- culièrement Jacques Mottal, Claude Cohen-Tannoudji (prix Nobel de physique en 1997), Claude Robert et Maurice Jacob (tous deux décédés), et surtout Robert Pick1, son coturne dès la deuxième année rue d’Ulm : leur amitié s’est étendue à leurs familles, et il a succombé, à sa grande tristesse, au covid-19 en 2020 . . .
Des personnalités marquantes de la physique française, Alfred Kastler (1912 s, prix Nobel de physique 1966) ou Yves Rocard (1922 s), créent ou renforcent des vocations de chercheur parmi les normaliens . Outre cette formation scientifique de tout premier ordre, au contact de ses condisciples scientifiques mais aussi littéraires, Georges s’ouvre à de multiples domaines de la culture, musicale, artistique, histo- rique, et participe à de nombreuses discussions, notamment politiques. « GG appréciait cette atmosphère stimulante . Il avait la réputation d’accorder une impor- tance considérable aux moindres détails de son travail scientifique mais en même temps tous ceux qui ont passé du temps avec lui, ont été fascinés par son analyse des multiples facettes de notre civilisation2 . » Informé des réalités soviétiques par le témoignage vécu de ses parents, il ne se laisse aucunement tenter par les sirènes du PCF, tout en se positionnant très clairement à gauche .
En 1955, Georges, attiré par la physique-chimie grâce à la lecture des livres d’Emschwiller, opte pour ce domaine de recherche lorsqu’il doit, en troisième année d’École, préparer un DES . Voici comment il décrit son entrée comme stagiaire au laboratoire d’Infrarouge du CNRS : « La physique-chimie, à l’époque, c’était made- moiselle Yvette Cauchois, qui régnait sur un empire situé rue Pierre Curie, près de l’amphi Henri Poincaré où je suivais des cours de maths et à portée de fusil de la rue d’Ulm . Elle me reçut dans son bureau et appela Pierre Barchewitz, qui me semble-t- il passait par là : “Barchewitz, voulez-vous un jeune normalien ?” »
Son travail au laboratoire d’Infrarouge, interrompu une première fois par la prépa- ration de l’agrégation de Physique, subit une seconde interruption, bien plus longue cette fois, lorsqu’il est appelé sous les drapeaux le 4 novembre 1957, alors même qu’il vient d’être officiellement engagé par le CNRS le 1er octobre . Il n’entre donc, définitivement cette fois, au laboratoire d’Infrarouge qu’en mars 1960 . Comme il se plaisait à le souligner, avec son goût pour la précision des chiffres, son service mili- taire a duré exactement 27 mois et 27 jours . Il est affecté à divers laboratoires sur le territoire français, dont celui du Bourget-du-Lac près de Chambéry . Il a eu ainsi la grande chance de ne pas être envoyé en Algérie, ce qui lui évite de se trouver devant un cas de conscience qui eût été effroyable, car il était anticolonialiste convaincu .
En parallèle avec ses études, il est engagé à partir de l’âge de 11 ans dans le scoutisme laïque (mouvement des Éclaireurs de France) et cette expérience poursuivie jusqu’à l’orée de l’âge adulte revêt pour lui une grande importance, contribuant à forger ses valeurs de solidarité, d’entraide, et le goût pour la pratique du camping en pleine nature qu’il partagera par la suite avec sa famille . C’est dans le cadre du scoutisme qu’il avait rencontré Maridjo, sa future épouse : tous deux sont responsables de troupes de jeunes sourds-muets . Ils se sont aussi occupés ensemble d’une fillette sourde, issue d’un milieu très défavorisé, qui est restée jusqu’à ce jour leur « fille de cœur » .
Voici un témoignage de son camarade de promotion, Jacques Mottal : « Nous étions ensemble en taupe au lycée Saint-Louis et avons partagé la même turne en première année à l’ENS . Il était toujours d’humeur joyeuse . Il m’avait invité à passer huit jours avec lui alors qu’il s’occupait d’un groupe d’adolescents sourds- muets et partait avec eux dans le Massif Central . L’organisation était parfaite, et les distractions nombreuses . Il comprenait très bien leur langage et communiquait facilement avec eux . »
Georges et Maridjo se marient le 19 décembre 1958, et c’est le début d’une longue et belle histoire, trois enfants (dont deux seront normaliens) nés en 1960, 1962 et 1966, une vie conjugale et familiale qui compte énormément pour lui . Au plus fort de sa vie professionnelle, il n’a jamais laissé cette dernière prendre toute la place et a toujours réservé un mois complet des vacances d’été à sa famille, pour des voyages de découverte, en camping, en France et à l’étranger . Avec son épouse psychologue, il assiste régulièrement aux conférences publiques du psychologue et philosophe Paul Diel, initiateur de la Psychologie de la motivation, qui lui font découvrir un nouveau domaine .
Georges prépare sa thèse de doctorat à partir du printemps 1960 au laboratoire d’Infrarouge, avec une importante part d’expérimentation sur un dispositif qu’il a conçu lui-même, le Sisam . Il soutient sa thèse le 30 mars 1965 . Il bénéficie alors d’une année de post-doc à l’université de Harvard (Cambridge, Mass .) dans le labo- ratoire d’Edgar Bright Wilson et toute la famille séjourne aux États-Unis durant l’année scolaire 1965-1966 . Le troisième enfant du couple est né pendant ce séjour américain . Par la suite, Georges et son épouse sont restés en relation avec des collè- gues américains rencontrés au cours de cette année-là et avec lesquels ils avaient noué de solides liens d’amitié .
De retour en France, il regagne le laboratoire d’Infrarouge, comme le raconte aujourd’hui sa plus ancienne collègue, Colette Rossetti : « Le patron, comme on disait alors pour désigner le directeur du labo, lui confia la direction d’une petite équipe de théoriciens qui étudiaient les structures moléculaires . Il gravit ensuite tous les échelons et fit une belle carrière au CNRS, d’abord maître de recherche, puis directeur de recherche en 1978 . Cette nomination s’accompagnait de la direction du laboratoire d’Infrarouge . C’est lui qui devenait le nouveau patron, après que le “patron fondateur” (Pierre Barchewitz) eut pris sa retraite . » De ces années Jacques Bordé, ancien directeur de recherche au CNRS : « Il restera très présent dans ma mémoire avec le souvenir d’un homme de science, d’un directeur de laboratoire effi- cace, d’un collègue bienveillant et d’un compagnon de route fort agréable pour la promotion de la physique moléculaire . »
Hans Bürger (Wuppertal) et Jean Demaison (Univ . de Lille-1) écrivent ceci dans le Journal of Molecular Structure (n° spécial, 2000) :
Georges est rapidement devenu un très grand spécialiste de la spectroscopie infrarouge des molécules de type « toupie symétrique » . À ce titre, les modèles théoriques développés ou améliorés par Georges Graner ont permis de tirer plein bénéfice des progrès effectués à l’époque par la spectroscopie instrumentale, aussi bien en spectroscopie infrarouge par transformée de Fourier qu’en spectrosco- pie microonde ou térahertz . Ses études ont également permis de contribuer à la détermination de la structure des molécules étudiées . La liste des sujets qu’il a abordés est très longue . Par exemple nombre de ses études concernent les dérivés du méthyle (CH3D, CH3F, CH3Cl, CH3Br, CH3I, CH3CN, CH3CCH), du silyle (SiH3) et du germyle (GeH3) . Sur ces sujets, il a eu une collaboration intense et très fructueuse avec son ami Hans Bürger (Wuppertal) . Ses compétences ont été précieuses pour modéliser les spectres d’absorption de l’atmosphère de certaines planètes, et en particulier pour détecter le propyne sur Titan .
[ La compétence de Georges Graner dans le domaine des structures moléculaires est particulièrement mise en évidence par ses vastes et précieuses contributions à une demi-douzaine de volumes de la série Landolt-Börnstein sur la structure moléculaire .
Son travail scientifique a commencé par la mesure et l’analyse de spectres . Néanmoins la question de savoir ce qui se passe dans les états excités rovibrationels est devenue de plus en plus son centre d’intérêt . Résonances, transferts d’énergie, modes locaux sont les sujets sur lesquels il a pu appliquer ses solides connaissances mathématiques et son expertise en programmation . Il a toujours su les traduire en programmes faciles à utiliser dont ses collègues ont pu bénéficier .
Ses compétences scientifiques et ses qualités humaines l’ont amené à prendre la direction du laboratoire Infrarouge situé à Orsay entre les années 1978 et 1989 comme successeur de Pierre Barchewitz . Il a aussi encadré ou contribué à l’encadre- ment de très nombreuses thèses, et ses étudiants lui sont infiniment reconnaissants de la formation qu’il leur a prodiguée . ]3
Voici le témoignage de son ancienne doctorante Adina Adriana Velcescu, maître de conférences, 31e Section CNU à l’université de Perpignan :
J’ai connu Georges Graner en 1993 : j’étais alors en DEA de physique des gaz et des plasmas à l’université Paris-Sud et il y donnait un cours de spectroscopie molé- culaire . Jeune Roumaine fraîchement débarquée de Bucarest, je n’avais qu’une idée en tête : travailler sur des applications de la mécanique quantique . Mais de la méca- nique quantique, en physique des gaz et des plasmas il n’y en avait pas beaucoup . Et c’est alors qu’est arrivé, à point nommé, ce cours de spectroscopie moléculaire . J’en avais déjà fait durant mes études à l’université de Bucarest, mais nous nous étions limités aux molécules diatomiques . Et puis Georges était très pédagogue, ses explications rendaient toujours le problème, quel qu’il soit, tellement simple . J’ai donc décidé de faire mon stage de DEA en spectroscopie moléculaire et j’ai eu la chance d’être acceptée .
Après le stage, qui n’aura duré que deux mois, j’en savais déjà un peu plus sur la spectroscopie à haute résolution et ma décision était prise : j’allais essayer de faire une thèse dans ce domaine . Mais à l’époque, les choses n’étaient pas simples, car l’obtention d’un financement de thèse n’allait pas de soi, même pour les étudiants les mieux classés . J’ai tout de même fini par décrocher une bourse du ministère de la Recherche . Cependant, sans les encouragements et le soutien constant de Georges Graner, je sais que je n’aurais pas réussi .
Ce soutien s’est par ailleurs manifesté tout au long des trois années de thèse . Une atmosphère chaleureuse, amicale, propice au travail de qualité, régnait au laboratoire de Physique moléculaire et applications . Tout cela était bien loin de l’atmosphère quelque peu rigide que j’avais connue à Bucarest, où le professeur était sur son piédestal et l’étudiant « à sa place » . J’avais commencé par appeler Georges Graner « Monsieur le Professeur », ce à quoi il m’avait répondu : « Tout d’abord, je ne suis pas professeur, mais directeur de recherche au CNRS . Ensuite, en France, il y a eu Mai 68... » Je n’avais aucune idée de ce qu’avait pu être Mai 68, et d’ailleurs le respect dû à l’enseignant était trop profondément enraciné en moi .
J’étais bien intégrée au groupe de collègues et amis formé par Georges, Colette (Rossetti) et Denise (Bailly) : on déjeunait ensemble, on discutait de sujets divers et variés, on participait à des colloques, des conférences . Car selon Georges, un étudiant en thèse devait aussitôt participer à des conférences internationales, se « frotter » à ses pairs, leur exposer ses résultats, et surtout publier durant ses années de thèse . Avec lui, l’abandon en cours de route devenait tout simplement impossible, inimaginable . Et puis, le moment de la soutenance est arrivé . Il me livre aussitôt ses impressions : « Tu nous as donné envie de t’écouter . Si j’avais une classe à te confier, je le ferais sans hésiter . » Georges m’a énormément appris du métier de spectroscopiste, et je lui dois tout ; il m’a appris à chercher là où bon nombre de gens pensent que c’est soit trop difficile, soit carrément inutile d’insister . Il m’a également inculqué le goût du travail bien fait, de la publication rédigée avec soin, où rien n’est laissé au hasard . Et même en cas d’échec, temporaire ou définitif, j’entendrai toujours une petite voix me dire : « Ce n’est pas grave, en attendant on a encerclé l’immeuble d’à côté, il était plus petit... » Alors merci, Georges, de tout cœur .
Une jeune étudiante, lors de son premier stage en laboratoire (DEA), se souvient de ce conseil : « Lorsque l’on manque de connaissances sur certains points, il n’y a pas de honte à avoir . On ne peut pas vous en faire le reproche . Par contre il faut être capable de retrouver l’information pour combler ses lacunes . » Et aussi : « Il faut tout prévoir pour le matériel avant d’en lancer la construction » (conseil indispensable qu’elle a appliqué scrupuleusement durant de longues années avant de « lancer » toute expérience) . « Il avait fait réaliser par une fonderie une énorme cuve en fonte [le SISAM] avec toutes sortes d’orifices pour construire un spectros- cope . Je le vois, je l’entends me dire qu’il n’était pas question d’oublier le moindre détail . » Ce stage l’a confortée dans sa vocation pour la recherche .
Son caractère charmant, sa superbe hospitalité et sa grande compétence scienti- fique ont attiré de nombreux chercheurs qui lui ont rendu visite ou ont collaboré avec lui pendant plusieurs décennies . La multitude de scientifiques qui ont publié avec lui montre à quel point son influence sur les autres a été impressionnante . Par ailleurs, il a toujours aimé voyager et on l’invitait souvent comme conférencier . Ses ques- tions et ses commentaires redonnaient vie à des sessions qui devenaient ennuyeuses . Il s’est rendu dans de nombreux laboratoires étrangers, principalement dans des pays européens mais aussi aux États-Unis, au Canada, au Venezuela, au Maroc, en Russie, au Japon et en Chine . Ces visites ont largement stimulé sa pratique des langues étrangères et lui ont permis d’élargir encore sa culture scientifique . Même lorsque la charge qui pesait sur ses épaules était énorme, il continuait de proposer son expertise à de nombreux Comités académiques . Il trouvait ensuite le réconfort chez lui à la maison auprès de sa femme Maridjo et de sa nombreuse famille, une belle compensation pour le stress procuré par l’action, qu’il supportait avec beaucoup de dynamisme . Ses amis et ses collègues vont regretter à la fois ses plaisanteries et ses commentaires toujours judicieux4 .
Tout au long de sa carrière, Georges a invité chez lui les physiciens de toutes nationalités qui étaient de passage dans son laboratoire, et son épouse les recevait volontiers . Certains sont devenus des amis de la famille . Cette dimension interna- tionale de la coopération scientifique, mais aussi des relations amicales, était pour lui une évidence .
Georges s’est toujours investi dans un engagement citoyen, d’abord en militant au PSU, dont l’orientation correspondait à l’aile gauche du parti socialiste, puis en exerçant des responsabilités bénévoles au sein de l’association des parents d’élèves durant la scolarité de ses enfants, du groupe des Éclaireurs de France de Boulogne, de sa copropriété . . . À sa retraite en septembre 1999, c’est le début d’une nouvelle vie . Homme d’habitudes, Georges aimait les rituels, les emplois du temps prévus, organisés . « L’organisation Graner » était proverbiale dans son entourage, et bien utile . Il avait planifié sa retraite avant la fin de sa vie professionnelle, persuadé que la vie ne se limite pas à la recherche scientifique et qu’il ne fallait pas se laisser surprendre par le temps . C’est ainsi qu’il a pu entrer sereinement et sans regret dans une nouvelle vie active où il a su déployer des talents aussi divers que ses inté- rêts, avec une curiosité d’esprit toujours en éveil et de constantes préoccupations sociales .
La liste de ses projets était longue : apprentissage du japonais (qu’il ne put poursuivre faute de temps) et cours d’allemand ; jogging et natation (tant qu’il put s’y adonner) ; enseignement du français aux étrangers ; implication dans les recherches et l’administration du Cercle de généalogie juive ; participa- tion très active à une troupe de théâtre amateur . Opiniâtre dans leur réalisation, il les a tous conduits avec un enthousiasme qu’il faisait partager à sa femme . Dans chacun des groupes qu’il a ainsi fréquentés tout au long des vingt-deux années de sa retraite, il s’est fait de nombreux amis qui ont été marqués par son sérieux, son engagement, sa bonne humeur et son humour . Ils témoignent ainsi de l’empreinte qu’il a laissée .
Marité Gaudefroy, metteuse en scène de la troupe de théâtre Scène 92 se souvient : « Georges a beaucoup compté pour moi, mais aussi pour les comédiens qui sont aujourd’hui dans la peine . Il était attentif à tous [ . . .] souvent le premier arrivé aux répétitions, il travaillait beaucoup ses rôles . J’appréciais son humour, son intelligence, sa grande culture et son humilité . Il avait le sens de l’engagement et de l’amitié [...] . Je sais à quel point il aimait jouer et il a toujours interprété avec talent tous ces rôles qu’il incarnait : notaire, juré, serveur, clochard, homme d’affaires, inquisiteur et même évêque . Il était jeune dans sa tête, parfois même enfant, et plus dissipé que les autres5 . Lorsque l’envie de rire le prenait, elle devenait collective pour la soirée . Sa personnalité faisait qu’on ne pouvait que l’aimer . Il était têtu, parfois intransi- geant lorsqu’il voulait imposer une idée, mais à la fin on trouvait toujours un terrain d’entente et j’avais justement besoin d’être confrontée à son sens critique . »
Max Polonovski, président du Cercle de généalogie juive, dit aussi : « C’est une personnalité qui a compté de façon essentielle pendant tant d’années pour notre association qu’il a animée, contribuant par son implication de tous les jours à son développement . Il était très attachant par ses qualités humaines, son ton direct et son franc-parler . Il aimait plaisanter sur son manque de culture religieuse juive et son laïcisme militant nous manquera . »
Enfin, l’une de ses élèves de l’AFI, l’association où il donnait des cours pour étrangers, lui avait offert un gâteau accompagné de ce mot : « Ce petit morceau de mon pays pour vous remercier de votre temps et de votre enthousiasme pour nous apprendre votre belle culture . Vous êtes l’un des professeurs les plus drôles que j’aie jamais vus . J’ai adoré toutes vos histoires . »
Pendant toutes ces années, c’est surtout l’amour de sa famille qui l’a soutenu . Il aimait avoir sa tribu rassemblée autour de lui dans la maison de campagne familiale pour les fêtes et les anniversaires, et le sien était devenu un rituel . Mais il s’intéres- sait individuellement à chacun de ses trois enfants, à ses neuf petits-enfants et leurs conjoints, à ses cinq arrière-petits-enfants . Ils l’ont entouré jusqu’à son décès survenu après trois ans d’un combat courageux contre le cancer .
Maridjo GRANER, son épouse
Marion SOLOTAREFF (1980 L), sa fille
Notes
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1 . Cf . la notice qui lui est consacrée dans ce numéro 31 bis, p . 142 .
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2 . Journal of Molecular Structure, numéro spécial en l’honneur de G . Graner, 517 (1), 2000 (trad . Marie Demaison) .
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3 . Ce paragraphe entre crochets est le résumé d’une partie très technique de l’article original effectué par Agnès Perrin (laboratoire de Météorologie dynamique de l’École polytechnique) .
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4 . Même origine .
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5 . Il n’avait pas non plus boudé les canulars et chahuts qui avaient accompagné ses années
studieuses à l’École normale !