KASTLER Daniel - 1946 s
KASTLER (Daniel), né à Colmar (Haut-Rhin) le 4 mars 1926, décédé à Bandol (Var) le 4 juillet 2015. – Promotion de 1946 s.
Daniel Kastler nous a quittés dans sa 90e année . Il est le fils d’Alfred Kastler (1921 s), le grand physicien qui obtint le prix Nobel de physique en 1966 . Il intégra l’ENS Paris en 1946 et fut en 1949 reçu premier à l’agrégation de mathématiques . Il prépara un doctorat de chimie quantique à l’université de la Sarre où il fut nommé professeur associé en mathématiques en 1953 . Il s’établit à partir de 1957 à l’université d’Aix- Marseille où il fut recruté comme professeur en 1959 . Il y créa le groupe de physique théorique et y développa les premiers enseignements de physique quantique.
Il démarra une fructueuse collaboration avec Rudolf Haag qui se traduira par les axiomes de Haag-Kastler, à l’origine de la formulation algébrique de la théorie quantique des champs qui demeure un des joyaux de la physique mathématique . Marseille est alors vite devenu un des premiers centres mondiaux de physique théo- rique et mathématique, tout particulièrement pour l’étude des C* algèbres . Daniel et ses collaborateurs ont notamment montré l’importance des C* algèbres en méca- nique statistique . Avec Jean-Marie Souriau (1942 s) et Antoine Visconti, il fonda en 1968 le Centre de physique théorique . Au milieu des années 80, il se passionna pour les travaux d’Alain Connes (1966 s), médaille Fields, et perçut l’importance de la géométrie non commutative pour comprendre le modèle standard de la physique des particules et notamment le boson de Higgs .
Daniel n’était pas seulement un physicien mathématicien d’exception . C’était un bâtisseur . Il a ainsi été à l’origine de la création de l’équipe de physique mathéma- tique de l’université de Toulon et a fortement contribué à la création de l’Institut de mathématiques de Luminy, convaincu de la nécessaire proximité entre physiciens et mathématiciens . Au fil des années, il créa une école et sut attirer à Marseille des pointures internationales .
Avec le soutien infaillible de son épouse Liesl, il réunissait chez lui à Bandol, dans une atmosphère détendue mais fort studieuse, les plus grands physiciens théoriciens . Daniel possédait de très grandes qualités humaines : un esprit vif, une ouverture d’esprit, un fort pouvoir de conviction, beaucoup d’humour et de générosité . Il était
aussi passionné de musique et notamment de piano .
Il a été un des promoteurs de Luminy, a voulu en faire un centre pluridisciplinaire
avec les arts et y a notamment attiré Jean-Claude Risset (1957 s), médaille d’or du CNRS en 1999, qui a très bien décrit sa personnalité en ces quelques mots : « Daniel a un sens profond du rôle du beau dans la science et dans la vie » .
Pierre CHIAPETTA,
professeur de l’université d’Aix-Marseille
Souvenirs sur Daniel Kastler
Quand j’ai connu Daniel Kastler, nous étions deux petits garçons, moi un peu plus vieux que lui, et nombreuses furent les occasions de jeux et de ris, à Bordeaux où ma mère et ses parents enseignaient... Je me souviens d’une fête costumée, où j’étais déguisé en cow-boy et lui en sioux, armé d’un menaçant tomahawk en caoutchouc . Cette fête fut d’ailleurs à l’avance une réunion normalienne puisque Henri Boiteux (1940 s) déguisé en larbin, Marcel Boiteux (1942 s) en diable, Yvonne Boiteux (1944 S) en paysanne et nous deux, cela faisait une bonne assemblée d’amis qui se retrouvèrent plus tard autour du bassin des Ernest . Mais à l’époque, il n’était pas encore question de physique .
Lorsqu’Alfred Kastler fut nommé à Clermont-Ferrand, pendant longtemps je ne vis plus Daniel jusqu’à son entrée à l’École . Il y eut cela de remarquable qu’il réussit le concours de l’École après être sorti de faculté et non d’une taupe . C’est un chemin qu’il faudrait suivre plus souvent . . .
Les premiers travaux de Daniel (qui furent, je suppose, le sujet de son diplôme d’études supérieures) se consacrèrent à l’étude des marées atmosphériques, un sujet passionnant et encore très mal connu . Son travail sur cette question a fait longtemps autorité .
Jean-Claude PECKER (1942 s)