MEULEAU Maurice - 1949 l
MEULEAU (Maurice), né le 8 décembre 1927 à Paris, décédé le 29 juillet 2019 à Villers-sur-le-Roule (Eure).– Promotion de 1949 l.
Cette notice recueille plusieurs témoignages, que présente Henri Mitterand (1948 l), son camarade depuis les lointaines années de préparation, après cette note:
La survie de l’École, de son rôle éminent dans la culture nationale, de ses traditions, semble menacée par son absorption dans un collectif d’organisations universitaires auquel elle devra peu ou prou soumettre ses projets de développement, et par le procès en « élitisme » qui lui est fait et qui conduira à une modification drastique de son régime d’admission et de fonctionnement .
La publication annuelle, par les soins de l’a-Ulm, d’un volume tout entier consacré à la biographie, personnelle et professionnelle, des camarades récemment (ou ancien-nement) disparus contribue, au premier chef, au maintien de l’École telle quelle, comme instrument essentiel de la nécessaire sélection (ne craignons pas ce mot) des savoirs, des talents et des créativités .
Chaque notice est ainsi une marque de mémoire, d’affection et d’hommage, et une invite à la réflexion des lecteurs sur la vitalité intellectuelle du pays .
J’ai été son camarade dans la khâgne d’Henri-IV où enseignaient, en K1, Jean Boudout (1920 l) en lettres, Henri Berguin (1912 l) en langues anciennes, André Alba (1913 l) en histoire, Henri Dreyfus-Le Foyer (1919 l) en philosophie, et qui envoyait alors à l’École, bon an mal an, un tiers de chaque promotion . Je l’ai retrouvé à l’École entre 1949 et 1951, puis au lycée de Melun entre 1955 et 1957, puis dans diverses rencontres d’éditeurs, en concurrence et solidarité mutuelles (lui collaborateur de Pierre Bordas, moi-même de
Jean-Jacques Nathan) . Les années ont passé, notre amitié subsistait et se concrétisait de temps en temps par un déjeuner au Balzar . Puis sont arrivées les merveilleuses retrouvailles, à la fin du siècle dernier et au début du suivant, ponctuées par les dîners que nous offraient, à Hélène et à moi, Maurice et son épouse Stéphane, et où j’ai revu avec un immense plaisir des camarades communs, tels Charles Delamare (1948 l), André Miquel (1950 l), Gabriel Robin (1949 l), Jacques Brunschwig (1948 l) .
C’était une vraie et profonde amitié, concrétisée par des sorties en commun, des échanges de livres et de tirés à part, et les messages que Maurice et Stéphane nous adressaient d’Italie et de Grèce, où ils partageaient leur temps entre les visites de musées et de sites archéologiques, et la plage...
En raison de cette intimité malheureusement tardive, Stéphane m’a demandé de coordonner avec elle la réunion des témoignages offerts par quelques-uns de leurs proches amis et éventuellement collaborateurs . Après une notice biographique due à Stéphane, on trouvera ci-après, successivement, les pages des historiens Daniel Arnaud (1958 l), évoquant les recherches orientalistes de Maurice, de Stéphane Audoin-Rouzeau, sur ses exceptionnelles qualités morales et intellectuelles . Gabriel Robin, son ancien condisciple, fait revivre le climat politique de l’École en ces années-là, puis rappelle la publication du monde et son histoire, dirigée chez Bordas par Maurice qui en a également écrit les deux premiers volumes . C’est ce métier d’éditeur, à la direction générale des éditions Bordas, que commente Jean-Louis Boursin (1958 s) mathématicien, auteur, sous la direction de Maurice, d’une centaine de titres . Cet ensemble, qui illustre les deux pôles de la personnalité scientifique et éditoriale de Maurice Meuleau, avec les accents d’une admiration et d’une amitié profondes, s’achève par les mots de son fils Marc (ENS Saint-Cloud), historien, théoricien et praticien des relations financières, qui ajoute aux touches des portraits précédents la voix de l’analyse et de la reconnaissance filiales .
Henri Mitterand (1948 l)
Maurice naît à Paris, dans une famille républicaine . C’est au 41 rue du Chemin- Vert dans le XIe arrondissement qu’il habitera jusqu’à son entrée à l’ENS en 1949, en dehors du début de la guerre, qui le mènera en Charente, alors Inférieure, puis à Tours .
À la rentrée 1941, Maurice reprend ses études au lycée Charlemagne jusqu’au baccalauréat, puis entre en khâgne au lycée Henri-IV en octobre 1946 . Dès le premier jour une amitié fidèle le liera à Claude Brémond et à Jacques Brunschwig, philosophe et spécialiste d’Aristote qu’il admirera pour cette supériorité intellec- tuelle, mais aussi pour lui avoir fait découvrir la musique classique, qui le mènera de concert en opéra tout au long de sa vie .
Maurice est reçu avec la promotion 1949 à l’ENS et se destine déjà aux études de l’Antiquité : Homère l’avait émerveillé et il nourrissait une passion pour la langue grecque . Son mémoire d’études supérieures porte sur La vie quotidienne dans la Palestine hellénistique . Pendant cette période il nouera une amitié durable avec d’autres camarades, tels Charles Delamare et Jean-Pierre Diény (1948 l) . C’est avec enthousiasme qu’il commence dès 1950 une longue série de voyages . D’abord avec Pierre Artemenko (1950 l) et Derek Watts (pensionnaire étranger), ils traversent, en voiture, une Italie pauvre mais accueillante, dont les trésors des musées et des églises les enchantent . Derek, Pierre et Maurice se croiseront régulièrement en partageant une franche amitié et maintiendront une relation épistolaire continue . Grâce à une bourse, il se rend à Jérusalem et en Palestine ; en 1952 la visite de Petra lui laissera un souvenir extraordinaire .
Tout au long des années qui suivent, les voyages répétés en Italie et en Grèce le confirmeront dans son admiration pour l’Antiquité : il ne manquait que très rare- ment un site, même peu visible à l’œil nu . En Italie, il va avec la même curiosité des peintres florentins ou siennois aux temples de Paestum où il aime revenir souvent .
Agrégé d’histoire en 1953, il enseigne successivement aux lycées de Bourges, Melun (où il retrouve Henri Mitterand) et Saint-Cloud . En 1957, il devient assistant d’histoire ancienne à la Sorbonne pour les civilisations grecques et orientales, et ses recherches portèrent particulièrement sur l’Orient après la conquête d’Alexandre et sur les rapports entre la Grèce et l’Orient .
Attaché de recherche au Centre national de la recherche scientifique, section Langues et civilisations orientales, depuis 1962, il travaille à une thèse de doctorat sur les rapports des Grecs et des indigènes dans la Babylonie hellénistique . Puis il devient maître de conférences d’histoire ancienne à Nanterre .
Dès le début des années 1960, il écrit pour les éditions Bordas, notamment un manuel de 6e qui restera dix ans au programme sous le titre Égypte, Orient, Grèce. Pierre Bordas lui ouvre alors les portes de sa maison en lui confiant la direction des 10 (devenus 11) volumes pour Le monde et son histoire, dont il rédigera les deux premiers volumes Le monde antique entre 1965 et 1967 . En 1967, il quitte l’Université pour se consacrer à sa carrière d’éditeur . Il sera successivement secrétaire général, puis direc- teur général des Éditions Bordas, puis directeur du département des dictionnaires et encyclopédies spécialisées aux éditions Hachette, puis Larousse, et directeur litté- raire, responsable des publications universitaires aux éditions Armand Colin, où il terminera sa carrière en 1989 . En tant qu’auteur, il a publié régulièrement des livres d’histoire, dont les deux derniers Les Celtes en Europe (2005) et Histoire de la Chevalerie (2010), aux éditions Ouest-France .
Maurice avait conservé intacte sa passion pour la transmission du savoir, jointe à une capacité pour réunir autour de lui de brillants auteurs, dont il suivra les travaux bien après avoir quitté l’édition .
S .M .
J’ai rencontré Maurice Meuleau à l’automne 1958, quand je suis entré à l’École . Je tenais alors mes maîtres pour des divinités inabordables et la Sorbonne pour leur Parnasse : un jeune normalien m’apparaissait, en revanche, tout à fait accessible, même s’il était déjà un universitaire reconnu, chargé d’un cours d’agrégation . Pour mon compte, j’espérais qu’il m’aiderait à voir clair dans les études orientales et je ne fus pas déçu . . .
L’histoire a retenu le flux et le reflux millénaire de l’Orient et de l’Occident . Ainsi, des liens de toute nature persistent . Par exemple, le roi lydien Gygès (viie siècle) avait noué des rapports avec Assurbanipal, l’Assyrien, avant de combler de présents la Pythie, mais ceux-ci furent emportés en Gaule ; ou encore, les cuirasses médiévales se retrouvent dès l’âge du bronze dans la basse vallée de l’Oronte . Maurice Meuleau s’était aussi consacré, par une heureuse rencontre, rappelons-le, aux Celtes et aux soldats du Moyen Âge .
Qui veut étudier les textes cunéiformes, comme il l’avait alors décidé, doit les transcrire : faire passer en alphabet latin la version originale . Cette écriture pluri- millénaire est d’une grande complexité, avec son mélange variable d’idéogrammes et de syllabogrammes . Une transcription vraie est déjà une traduction . Maurice Meuleau en a laissé dans ses archives une masse considérable, elle témoigne d’un effort constant : il lut ainsi les collections du musée du Louvre ou de celui de Berlin, entre autres . Ensuite, il y reprenait des citations qu’il recopiait sur des cahiers . Cette technique permettait une recherche efficace .
Cette formation normalienne, encyclopédique, fécondée par l’étude spécialisée, élargie à tout le Proche-Orient, a permis à Maurice Meuleau d’écrire le tome 1 de Le monde et son histoire et un manuel d’histoire pour la classe de 6e : ce chef d’œuvre est le fruit d’une expérience pédagogique et de la compétence du savant, on recon- naîtra que ce n’est pas commun .
Que ces quelques pages évoquent le mieux possible cette leçon de persévérance et d’acribie est mon unique souhait .
Daniel ARNAUD (1958 l)
Il est des amitiés qui se nourrissent d’une extrême proximité . D’autres, au contraire, qui s’adossent à une certaine distance, à une distance maintenue.
Celle qui s’était nouée entre Maurice et moi, pour près de trente années, était de cet ordre .
Distance de l’âge : Maurice était déjà agrégé d’histoire deux ans avant ma naissance .
Distance des positions dans le monde : j’étais un très jeune historien n’ayant encore publié aucun livre lorsque nous nous sommes rencontrés dans son bureau .
Lui en avait déjà publié beaucoup, et d’excellents .
Il était désormais un éditeur reconnu, directeur littéraire chez Armand Colin après avoir occupé les plus hautes fonctions au sein des plus grandes maisons .
C’est dire qu’il a fallu bien des années pour que nous puissions nous tutoyer . Aujourd’hui encore, dans mon cœur, je le vouvoie .
Mais en historien, peut-être puis-je dire aujourd’hui ceci : Maurice était pour moi un type d’homme – un type d’intellectuel français très exactement – que nous ne reverrons plus . Je songe d’abord à la haute culture classique d’un normalien de la fin des années 1940 . Si classique qu’elle pouvait s’offrir le luxe de ne pas être seulement cela ; car à côté de la Grèce ancienne et de l’Orient hellénistique, il y avait l’Assyrie, dont il avait été aussi un spécialiste . Une haute culture que Maurice, avec une humi- lité extrême, à la limite de l’ascèse, se faisait un devoir de partager, de mettre à disposition du plus grand nombre, des plus jeunes en particulier .
Souvent je me suis dit : quel enseignant il avait dû être, au lycée d’abord, puis à la Sorbonne à la fin des années 1950, enfin à l’université de Nanterre sortie de terre lors de la décennie suivante !
Je songe à l’élégance de la tenue et à celle de l’âme, à la forme de réserve qui accom- pagnait l’une et l’autre, mais aussi aux larmes qui lui montaient si vite aux yeux dès lors qu’il était traversé par le tragique d’un récit, ou bien tout au contraire, par sa drôlerie inattendue . Avec Maurice, nous avons souvent pleuré, et beaucoup ri, ensemble .
Je songe à sa présence aux autres, à la générosité de son accueil, à la chance offerte aux plus jeunes (et à moi-même en particulier...), à l’admiration si facilement accordée et jamais retirée . Maurice était passionnément intéressé par ce qui s’écrivait, se pensait, s’élaborait à quelque distance de lui, en histoire, en sciences sociales...
Je ne lui ai jamais avoué à quel point la fraîcheur de sa passion m’avait encouragé...
Je songe à sa foi chrétienne, nourrie d’une parfaite connaissance des textes, foi presque invisible pourtant, et dont nous n’avons jamais parlé, parce que, sans doute, nous savions à quoi nous en tenir l’un et l’autre, l’un sur l’autre .
Je songe enfin à son amour de la France et de la République, ancré dans une enfance puis une adolescence de guerre et d’occupation nourrie aux risques extrêmes encourus par son père au service de la Résistance . Un amour un peu déçu, sans aucun doute, et qui, lui aussi, ne pouvait s’exprimer à voix haute .
Maurice Meuleau : un grand seigneur français, un pied fermement ancré dans notre monde, un autre légèrement de côté...
J’aurais aimé de te le dire autrefois, ami, lorsqu’il était temps encore . Mais jamais je n’ai osé .
Stéphane AUDOIN-ROUZEAU (EHESS)
Bien des choses nous rapprochaient Maurice et moi . Entrés rue d’Ulm la même année 1949, nous étions camarades de promotion, et dans cette promotion nous étions avec Emmanuel Leroy-Ladurie et Guy Verdeil des quatre ou cinq qui nous destinions à l’agrégation d’histoire . De plus, et ceci nous distingue d’un Leroy- Ladurie, par exemple, nous n’appartenions pas à la majorité marxiste qui donnait le la, et un la bruyant, à l’École de cette époque .
Sur bien des points, en revanche, nous étions différents ; lui venait de la presti- gieuse khâgne d’Henri-IV, moi du lointain lycée de Montpellier ; il était parisien, j’étais provincial ; il avait la vocation de l’histoire ancienne, je n’avais de goût que pour l’histoire moderne ; je crois bien qu’il pensait déjà à se tourner vers l’édition tandis que je nourrissais en secret le projet de tenter l’ENA .
Notre scolarité commune, jusqu’à l’année d’agrégation au moins, était trop légère pour créer beaucoup de liens ; il n’était pas de bon ton de mettre les pieds à la Sorbonne, et il n’y avait guère que les travaux avec les caïmans pour nous réunir de loin en loin . Quant à la vie de l’École, je n’en partageais guère avec Maurice que les séances mémorables dont retentissait de temps à autre la Salle des Actes : commu- nistes et socialistes s’y empoignaient en querelles homériques tandis que d’autres, dont nous étions, Maurice et moi, étaient relégués au rôle d’affreux réactionnaires .
Il y avait dans tout cela de quoi faire de nous des camarades, et nous en fûmes d’excellents, pas des amis . Nos tempéraments respectifs y étaient pour quelque chose . J’étais timide et il était d’un naturel réservé et peu porté aux confidences...
Au fond, quand je cherche à démêler, après tant d’années l’idée que je me faisais de lui, c’est la considération qui domine . Maurice m’impressionnait et peut-être m’intimidait . Il était pour moi le modèle même de l’historien et j’admirais son érudition : elle était sans pédantisme mais encyclopédique et s’exerçait de préférence sur les périodes les plus lointaines et les plus obscures de l’histoire ; il semblait familier des hiéroglyphes et des cunéiformes et entrait de plain-pied dans les civilisations de Sumer et d’Assur dont je ne savais guère que le nom .
La considération que j’en avais conçue pour lui m’est suffisamment restée pour qu’une douzaine d’années plus tard, je repère la parution d’une œuvre monumentale en dix volumes ; elle s’intitulait Le monde et son histoire ; Maurice en avait la publica- tion et rédigé le premier tome . Je me suis empressé de me la procurer, elle orne encore aujourd’hui ma bibliothèque : j’y ai retrouvé avec bonheur les qualités que j’admirais chez mon ancien condisciple, mais l’élève, entre temps, était passé maître .
En ces temps où l’histoire globale et ses excès relativistes sont à la mode, il est bon de revenir aux travaux des véritables historiens .
Gabriel ROBIN (1949 l)
Maurice Meuleau incarnait deux personnages clés du vingtième siècle intellec- tuel : le normalien et l’éditeur .
L’École normale supérieure, la célèbre Rue d’Ulm décrite par Alain Peyrefitte (1945 l), accueillit Maurice à la rentrée 1949, au sein d’une promotion brillante, côtoyant nombre de futures personnalités marquantes des sciences et des lettres .
Une des richesses de l’École, c’est la proximité entre ces personnalités par-delà la diversité des concours d’entrée et des ambitions, proximité favorisée par le régime de l’internat et par de nombreuses activités trans-disciplinaires, à travers des groupes politiques ou religieux, cercles caritatifs, conférences ouvertes, clubs sportifs et culturels . L’agrégation, qui semble à beaucoup polarisée sur une discipline étroite, n’est qu’une formalité pour la plupart des élèves de l’École et n’entrave en rien la curiosité intellectuelle qui, pour certains, va jusqu’à la « migration » : on a vu des élèves entrant par le concours sciences se tourner vers l’histoire ou la philosophie .
Ce n’était pas le cas de Maurice qui, au travers d’une carrière très diversifiée, a toujours gardé son talent d’historien et de conteur, publiant toute sa vie des ouvrages d’enseignement et de vulgarisation dont Le monde et son histoire est peut-être l’illus- tration la plus connue .
Mais ces caractères du normalien, toujours curieux, jamais superficiel, ils défi- nissent aussi bien le deuxième métier de Maurice, celui d’éditeur . Au sein de plusieurs comités qu’il avait créés aux éditions Bordas, je l’ai vu accepter ou refuser de nombreux projets, la pierre de touche étant le succès, chez un concurrent, d’un ouvrage refusé . Après tout, Gide avait bien fait refuser Swann par Gallimard ! Venait ensuite la phase des échanges avec les auteurs pour parvenir ensemble au manuscrit définitif, quel que soit le champ disciplinaire concerné .
Le métier d’éditeur, c’était aussi le talent de Pierre Bordas, créateur de l’entreprise qui porte son nom, qui fit de Maurice, alors jeune maître de conférences à l’université de Nanterre, son secrétaire général, puis directeur général . En presque un demi-siècle, j’ai publié sous sa direction plus d’une centaine de titres, la plupart en mathématiques, et je me suis toujours bien trouvé des modifications qu’il m’avait demandées .
Jean-Louis BOURSIN (1958 s)
Mon père a été à jamais marqué par son passage à la rue d’Ulm .
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Il en a gardé des amitiés indéfectibles, présentes à ses côtés jusqu’à ses derniers jours .
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Il en a été confirmé dans son amour pour l’Antiquité, un choix qui faisait de lui
un objet de curiosité pour les autres étudiants historiens mais aussi un camarade recherché lors de la préparation de l’agrégation où il était l’un des rares disponibles pour étudier la bibliographie du concours portant sur cette période .
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L’École – comme il aimait à l’appeler – l’a aussi conforté dans son goût pour les études exigeantes et ardues .
C’était enfin un motif de fierté pour lui, l’apogée d’un parcours scolaire exem- plaire, davantage poussé par le désir de répondre à l’attente de parents aimants que par une ambition personnelle .
Il était un pédagogue né . Enfant, je profitais sans le savoir des histoires qu’il aimait à raconter sur les grands moments de l’histoire grecque et romaine, sur les parallèles qu’il faisait entre le monde où nous vivions et les sociétés d’autre- fois . Il m’a donné un goût prononcé pour l’histoire, au point que j’en ai fait mon premier métier, sans m’influencer en rien, par le seul exemple qu’il me donnait et la curiosité qu’il avait créée en moi . Rien de pesant dans son enseignement car il ne cherchait pas à enseigner mais à transmettre . Il avait l’amour de la connaissance et était heureux de la partager . Il avait aussi, ce qui était peut-être plus impor- tant pour l’adolescent que j’étais, le sens de la clarté et de l’exigence d’une pensée construite . Il déploya ces mêmes qualités dans la publication de ses ouvrages, sa préoccupation première étant le respect de la vérité, donc celui du lecteur, par un exposé des faits d’une grande lisibilité : il en ressortait une vue crédible et équili- brée des mondes disparus que sa plume faisait renaître . Il savait enfin maintenir une distance avec les sujets qu’il abordait, qu’ils soient relatifs à son métier d’his- torien, puis d’éditeur, ou aux problèmes de société, par un humour souriant et le souci de conserver l’objectivité qui lui semblait être au cœur du métier d’histo- rien, voire sa raison d’être . Il se peut que ce soit finalement cette combinaison, où humour et désir de demeurer objectif étaient inséparables, qui m’a le plus marqué dans ma démarche professionnelle future .
Marc MEULEAU (ENS Saint-Cloud)