MOURET Edmond - 1965 l

MOURET (Edmond), né le 22 novembre 1944 à Mamers (Sarthe), décédé le 22 février 1984 à Nantes (Loire-Atlantique). – Promotion de 1965 l.


La présente notice, composée si longtemps après le décès de notre camarade, ne pourra donner qu’une image imparfaite de celui qui a marqué son entourage par une personnalité aussi attachante qu’originale, et qui dès les années d’École suscitait une forme de respect.

Pour la rédiger, moi qui fus son cothurne une année durant, j’ai pris l’initiative de contacter sa sœur Annie, qui vit actuel- lement sur le domaine familial dans le village de Kerbras à Langoëlan (Morbihan) ; elle m’a fourni de nombreux éléments de ce texte. J’ai sollicité l’ensemble des membres de la promo-

tion 1965 dont les coordonnées se trouvent dans l’Annuaire : presque tous ont pris la peine de me répondre et ont contribué, qui par des informations officielles, qui par des anecdotes et des souvenirs, à reconstituer une image qui ne pourra que décevoir au regard de ce que nous avons vécu auprès de lui, mais qui étoffera au moins la modeste trace d’un hommage que nous lui devions.

Après des études primaires et secondaires dans une institution catholique à Lorient, Edmond Mouret se prépara au concours de l’École au lycée Chateaubriand de Rennes puis au lycée Janson-de-Sailly . Admis en 1965 dans la section littéraire, il obtint une licence puis une maîtrise d’histoire et géographie . Il choisit de continuer alors son cursus à l’Institut d’études politiques de Paris, ce qui lui ouvrit une carrière de consultant international dans le domaine du développement, des techniques de gestion et de la formation d’adultes .

Cette carrière l’a conduit vers un ensemble très divers de fonctions : dans des cabinets ministériels, dans des sociétés de conseil, dans des organismes de forma- tion professionnelle auprès d’entreprises ou de services publics, dans des collectivités territoriales et dans le domaine de la coopération internationale, où il avait jugé particulièrement intéressante son expérience algérienne, jusqu’à son dernier poste, celui de délégué à la formation continue de la préfecture de région des Pays de la Loire . Edmond a toujours placé beaucoup d’espoir dans l’extension de la forma- tion permanente, qui lui semblait le meilleur instrument pour changer peu à peu la société et la rendre moins rigide par le progrès de la connaissance et de la culture, par la correction de certaines inégalités de départ .

Son activité se doubla d’une conséquente production d’articles et de publica- tions concernant les modalités de l’enseignement et de la formation permanente ; l’une d’entre elles nous touche plus directement, puisqu’Edmond manifeste au sujet de la rue d’Ulm « un certain désenchantement », dans un article du Monde qu’Alain Peyrefitte (1945 l) a repris dans la seule troisième mouture de son florilège1 . Il a également contribué à la monumentale édition du Journal du Septennat établi avec plusieurs autres historiens à partir des notes du président Vincent Auriol2 . Enfin sa sœur nous révèle qu’il a pu laisser libre cours à sa fantaisie dans l’écriture de petits contes restés inédits .

Très attaché à la propriété familiale, il mettait à profit ses vacances pour assister son père dans ses créations de plantations forestières sur le domaine . Il était membre d’une association de sauvegarde de la nature et portait un très grand intérêt à la culture, à l’histoire, au patrimoine et à la langue de la Bretagne . Il avait aussi obtenu en 1978 le brevet de pilote privé d’avion .

Pour les camarades qui ont contribué à ce mémorial, ce qui semble les avoir le plus marqués dans le comportement d’Edmond est l’alliance du sérieux, de la simpli- cité et de la discrétion avec un engagement aussi consciencieux qu’efficace dans des facéties où son imperturbable gravité faisait merveille . Ils évoquent ainsi cette visite dans leur thurne d’un Edmond revêtu d’une soutane et suivi de quelques complices, annonçant son intention d’entrer dans les ordres : il réussit à les convaincre... Plus spectaculaire encore fut le rôle qu’il tenait dans la revue qui agrémentait le Bal de l’École en 1967 et dont le titre Calamity Mary-Jane enlève Flacelière mettait à contri- bution le directeur de la rue d’Ulm (1922 l) et son homologue du boulevard Jourdan, Marie-Jeanne Walter-Durry . Il y incarnait un charlatan du Far-West porté sur la bouteille et avide de dollars, qui caricaturait dans son inimitable langage le psycha- nalyste Jacques Lacan, dont le séminaire très en vogue attirait un public choisi en salle Dussane .

Edmond n’en avait pas moins une foi chrétienne très profonde, et il était un des fidèles membres du groupe tala qui entourait l’aumônier de l’École, le père Guy Lafon (1952 l) – lequel vient de décéder des suites du coronavirus3 . C’est lui qui avait célébré une messe à la mémoire d’Edmond dans la chapelle des Sœurs de l’Adoration rue Gay-Lussac, entouré de plusieurs de nos camarades, après qu’il avait mis fin à ses jours sans expliquer son geste le 22 février 1984 .

Alain BARTHÉLEMY-VIGOUROUX, au nom de la promotion 1965 l

Notes (de Patrice Cauderlier)

  1. 1 .  A . Peyrefitte, Rue d’Ulm, 3e éd., 1977 . C’est une reprise, largement réduite, d’un article qu’Edmond Mouret avait publié dans Le Monde du 11/12 avril 1971, à la suite de la « fête » du 21 mars ; il y analysait sous ce titre les effets de la crise de croissance de l’Uni- versité sur l’École, et exposait les obligations des normaliens – licence et agrégation – et la récente possibilité de remplacer cette dernière par une thèse de 3e cycle ; il se montrait assez critique sur les débouchés offerts par l’École .

    Il est permis de se demander si cet article n’a pas suscité celui que Marguerite Liard, l’arrière-petite-fille de Louis Liard (1866 l), publia le vendredi suivant, avec des souve- nirs de première main sur la révocation de Désiré Nisard et de Louis Pasteur (1843 s) en 1867, époque où la vie à l’École était empreinte d’un autoritarisme tatillon qui nous paraît aujourd’hui désuet . Courrier repris dans toutes les éditions de Rue d’Ulm.

  2. 2 .  Il avait été chargé de l’année 1948, soit le deuxième volume de la série (Armand Colin, 1974) . À parcourir l’épais ouvrage, dense et richement documenté, on ne peut qu’être surpris de voir le nom de l’auteur de cette édition critique figurer une seule fois, sur la page de titre (avant celui de Jean-Pierre Azéma, le directeur de la série, qui ne fait ensuite pas la moindre mention du travail de son collaborateur) .

  3. 3 .  Voir sa notice dans L’Archicube n° 29 bis, p . 148-152 .