POUJADE Robert - 1948 l
POUJADE (Robert), né le 6 mai 1928 à Moulins (Allier), décédé le 8 avril 2020 à Paris. – Promotion de 1948 l.
Trop souvent – même à l’École – il est confondu avec son homonyme, Pierre de son prénom, le cafetier de Saint-Céré à l’injure facile et au verbiage haut, pour qui fut créé le néolo- gisme poujadisme encombrant les lexiques, comme en son temps le personnage faisait ombre à la démocratie. C’était juste son antithèse1.
Il naquit à Moulins, premier poste (et le plus septentrional) de son père, Henri, agrégé des Lettres. Il se définit comme « mi-languedocien mi-dauphinois ». Il avait douze ans lors de l’étrange défaite et, sans avoir entendu l’appel du 18 juin, ses parents ne pouvaient admettre l’écrasement de la patrie. Mais grâce à sa mère, angliciste et formée à Oxford, ils écoutèrent vite Radio Londres. Le jeune Robert vit de suite où étaient l’honneur et la patrie, suivit avec passion la progression des armées des Alliés, et dès le baccalauréat militait pour un embryon languedocien du Rassemblement du Peuple Français (il fut ainsi appelé, de Nîmes, pour aller remplacer, au pied levé, l’orateur prévu pour une réunion à Millau, par un télégramme : orateur muet ... et Ionesco n’avait pas encore écrit Les Chaises).
Il fut un brillant élève d’Aristide Bocognano (1916 l) à la khâgne de Montpellier, obtenant les meilleures notes en grec au concours 1948 (erreur fâcheuse du bulletin de la Société des Amis de 1949, où il faut lire : liste des admis à la promotion 1948, et non 1947...), d’où l’invitation de Fernand Chapouthier (1918 l) à se présenter à l’École française d’Athènes, qu’il déclina (celle de Rome lui aurait convenu, mais elle ne lui fut pas proposée).
À l’École, à la fin de la décennie 1940, il fallait un certain courage, voire une témé- rité affirmée, pour ne pas prendre sa carte au Parti ; et encore plus pour se déclarer ouvertement gaulliste à un moment où le général était taxé de fasciste et d’apprenti dictateur par le courant marxiste-stalinien qui donnait le la 45, rue d’Ulm. Quand sa longue silhouette facilement reconnaissable avec « l’immense blouse blanche qui le faisait ressembler à un garçon de laboratoire » (selon Jean Charbonnel, in Rue d’Ulm IV (1994), p. 343) était repérée dans un escalier, c’était les huées : « la montée du fascisme ». C’est avec le recul du temps un élément incontournable du folklore normalien, au même titre que le télégramme de condoléances pour Joseph Staline, mais il suffira de renvoyer à la belle notice que R.P. consacra à son aîné d’une promo- tion Jean Charbonnel (voir L’Archicube 15bis, spécialement la page 172). Il y rappelle la célèbre citation d’Emmanuel Leroy-Ladurie (1949 l), dans son Paris-Montpellier, qui résume fort bien cet état d’esprit et témoigne de la lucidité que donne, parfois, l’avancée en âge. Voir Rue d’Ulm IV (1994), p. 377 : « Nous les considérions [Poujade et Charbonnel] comme deux fous. Rétrospectivement, je me demande si ce n’était pas nous qui étions fous et eux qui étaient sensés. »
Jeune secrétaire de l’union des étudiants gaullistes, affiliés au RPF, il rencontra dans un couloir rue de Solférino (siège de ce mouvement) le Général qui, visiblement impressionné (lui aussi...) lui répéta deux fois : « Ah ! vous êtes normalien. » Il retrou- vait Malraux et Claude Mauriac chez Fernande Olivier, ex-égérie de Pablo Picasso. Une revue fut lancée, Liberté de l’Esprit (ce qui valait de sonores appels : « Poujade ! Mauriac au téléphone ! », lancés, depuis la loge de l’Aquarium, vers le bassin aux Ernest par le gardien-standardiste, désigné alors sous le nom générique d’Anatole).
Pour le Diplôme d’etudes supérieures, il choisit, à la surprise générale, un auteur contemporain : L’humanisme de Malraux sous la direction de Pierre Moreau.
Ce fut l’année de la rencontre avec Marie-Thérèse Monier, sévrienne de la même promotion, la préparation et la réussite à l’agrégation, le mariage, et le refus d’un assistanat à Bordeaux pour ne pas la laisser dans l’établissement rémois où elle était affectée. Cela se termina par une nomination sur un poste double dans un lycée d’une charmante sous-préfecture du Maine-et-Loire où l’on n’avait jamais vu un norma- lien. Mais très vite (à 25 ans), Robert se vit proposer une classe préparatoire : ce fut le lycée Carnot qui l’accueillit à Dijon, pour l’hypokhâgne et, très vite, les concours scientifiques. Marie-Thérèse le suivit et prépara, quant à elle, les futurs Chartistes. L’enseignement à des élèves qui avaient pratiquement son âge était d’autant plus prenant qu’il se doubla très vite de cours complémentaires à la Faculté : il y enseigna longtemps le thème grec pour la licence à des promotions alors très étoffées.
Parallèlement, de Gaulle entamait, dans le département voisin, sa traversée du désert ; le RPF était en veilleuse, et R.P. était pris par son enseignement. Mais il fut rattrapé après 1958 par la tentation d’une vie publique : les gaullistes se comp- taient sur les doigts de la main à Dijon (le folklorique chanoine Kir, maire sans interruption depuis la Libération, disputait au général de Gaulle le titre de Premier Résistant de France, faisant remonter son choix au 17 juin 1940, et le général André Giraud était côte-d’orien, il est facile de comprendre pourquoi). À Paris, les instances du mouvement gaulliste reconstitué se souvinrent de lui comme d’une personnalité forte, capable d’incarner le mouvement. Il explique dans Avec de Gaulle et Pompidou (L’Archipel, 2011) les péripéties de ce retour en politique. Il lui était proposé un poste facile dans une ville des Hauts-de-Seine : il refusa ce parachutage et s’en tint à aider une candidature bourguignonne (le colonel Prat) lors des premières législatives de la Ve République (1958) : celui-ci fut battu, mais un gaulliste fut élu dans une circonscription voisine, le docteur Berger dont il restera très proche. Pour être élu à Dijon, il fallait évincer le populaire chanoine, qui allait inaugurer le lac de retenue de l’Ouche à l’entrée de Dijon, et dont le nom allait enjamber les pages roses du Petit Larousse pour désigner un apéritif (variante du blanc-cassis cher aux personnages de Queneau), destiné à l’origine à pallier la mévente du cépage aligoté. Ce n’était pas une mince affaire, et le combat peut, à dix mois près, être qualifié d’homérique, car il fallut plus de neuf années à R.P. pour s’imposer.
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a) En 1962, il se présente aux élections législatives et il est battu ; de même en 1965 aux municipales. Le Parti communiste avait fait voter Kir au second tour.
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b) En 1967, il élimine aux législatives, dès le premier tour, le chanoine Kir, qui perd son siège et le titre de doyen du Palais-Bourbon (dans une circonscription mi-urbaine mi-rurale : avec Genlis, Auxonne, et la ville cheminote de Gevrey- Chambertin). Poujade est élu au second tour contre le candidat du PCF à une large majorité (ce qui est particulièrement apprécié à Paris lors d’un scrutin cala- miteux au niveau national).
Il est également élu conseiller cantonal cette année-là, contre le chanoine. Tout le désigne pour être à nouveau candidat aux prochaines municipales ; mais Kir lui fait savoir son opposition : « Vous m’avez pris mon siège de député, vous m’avez pris mon siège de conseiller général ; mais la mairie, moi vivant, vous ne l’aurez jamais ! », lui assène-t-il, nonagénaire, devant le Préfet médusé...et il désigne ses adjoints : « mais, ces c...-là, ensuite, vous les aurez sur les bretelles ! » ;
c) Félix Kir décède en avril 1968 (à 92 ans) ce qui provoque une élection partielle au conseil municipal : R.P. est élu (au milieu des événements, orchestrés à Dijon par Jacques Sauvageot) ; mais les partisans du feu chanoine ne votent pas pour lui au fauteuil de maire : c’est le docteur Jean Veillet qui s’était présenté contre Kir à la députation qui devient maire (mais tout un chacun le prend alors pour un maire de transition).
d) Aux élections municipales de 1971 : la liste Ensemble pour Dijon, brillamment élue, incorporait de nombreux adjoints de la municipalité précédente, et la transi- tion se fit sans anicroches.
Selon plusieurs témoignages, discordants quant à l’année de cet épisode, Kir prit les électeurs à témoin de son animosité envers R.P. par voie d’affiches : « Vous n’allez quand même pas confier des responsabilités à un blanc-bec qui n’a même pas fait de résistance ! » et le lendemain les panneaux adverses affichaient sa réponse : « Monsieur le chanoine, il faut vous y faire : il y aura chaque année de moins en moins d’hommes et de femmes pour avoir connu Napoléon. »
R.P. quitte alors le lycée Carnot et, sous la deuxième présidence intérimaire d’Alain Poher (1974), il est nommé inspecteur général de l’Éducation nationale, poste dont il sera toujours détaché. C’était une promesse que Georges Pompidou n’avait pas eu le temps de tenir. Mais il n’exerça pas : il conserva brillamment ses mandats de député, de conseiller général, de président de ce conseil et de maire jusqu’en 2001 où il se retira de la vie publique. Lui-même et sa liste obtenaient la confiance de deux Dijonnais sur trois (proportion tenant compte des abstentions) : l’adhésion rencontrée dépassait très largement les frontières partisanes. Parmi les piliers de l’équipe Poujade, il faut citer, même dans le cadre de cette notice, Jean Royer (un homonyme du maire de Tours), François Japiot (X 1931) le financier, Maurice Lombard l’urbaniste, Yves Bruneau le directeur de cabinet... sans oublier Christian Baron (1949 s) professeur de chimie à l’Université et son adjoint à l’éducation, la première des tâches dans la cité depuis Platon. Son Passage du siècle publié et imprimé en Côte-d’Or (2016) est l’indispensable et lucide témoignage de celui qui disait de la ville, où les hasards de la carrière l’avaient conduit, devenue sa ville : « c’est elle qui m’a choisi ».
Les responsabilités nationales vinrent à lui après la victoire spectaculaire de 1967 : c’est Malraux qui l’accueille au Palais-Bourbon (et dès lors, ils reprirent leurs relations). Il devint alors un des secrétaires nationaux du mouvement gaulliste (« piano à cinq mains rue de Lille », écrit-il). Fin mai 1968, député, il prononce à l’Assemblée un discours qui suscite l’admiration éloquente de François Mauriac dans son Bloc- notes du Figaro, à la stupéfaction de Georges Pompidou (1931 l). Après le retour du général de Gaulle de Baden-Baden, il est facile de noter, parfois mot à mot, la parenté entre le discours télévisé de ce dernier le 30 mai, qui acheva le mouve- ment de contestation, ruina pour un temps les ambitions des politiciens au rancart et provoqua la manifestation des Champs-Élysées, et les paroles de R.P. à la tribune du Palais-Bourbon la semaine précédente. R.P. resta à la tête du mouvement soutenant le Général, jusqu’à l’échec, l’année suivante, du référendum sur la suppression du Sénat et la réforme territoriale.
Il fut ensuite (à partir de janvier 1971) le premier titulaire du ministère de l’En- vironnement et du Cadre de vie (créé après le décès du général de Gaulle, qui l’a particulièrement affecté). Tout était à créer, dans les salons désuets du ministère de la Marine (rue Royale), et ses collègues, avec Albin Chalandon, le définissaient préposé à embêter tout le monde. C’était le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas et l’illustration du slogan de La nouvelle société cher au maire de Bordeaux. Mais R.P. montre dans Avec de Gaulle et Pompidou l’incompatibilité grandissante entre le président et le locataire de Matignon : dès le discours d’investiture de ce dernier, le président notait l’ambiguïté de la traduction du latin res novæ : la nouveauté, ou la révolution ? À ce ministère participait aussi Jean-Baptiste de Vilmorin, le frère de Louise, car R.P. déjeunait à Verrières-le-Buisson avec André Malraux une fois par mois jusqu’à la fin de l’auteur des Chênes qu’on abat. R.P. représenta la France au premier congrès international sur l’environnement, tenu à Stockholm en 1972. C’était la prise de conscience, trois ans avant le premier choc pétrolier, et deux avant la candidature de René Dumont, que la croissance n’était pas indéfinie et que les générations futures devaient être prises en compte par une société qui accordait priorité à l’automobile et aux grands ensembles. Y réintégrer l’homme fut la mission, sinon le devoir, de cet humaniste. Le Conservatoire du Littoral et les parcs nationaux sont à mettre à son crédit, ainsi que son action à la présidence du Conseil national des secteurs sauve- gardés. Mais il mesura les résistances et les chausse-trapes venant de sa propre famille politique, au point d’intituler Le ministère de l’ impossible (Calmann-Lévy, 1975) le livre de souvenirs qu’il consacra à cette partie de sa vie, qui s’arrêta un peu avant le décès de Georges Pompidou, à la dissolution du second cabinet Messmer, en février 1974, pour permuter Jacques Chirac2 et Raymond Marcellin (en fait il apprit par la radio que son ministère de l’Environnement était supprimé purement et simplement et rattaché à la Culture : avec le recul, il était condamné pour sa proximité avec le maire de Bordeaux).
Ce fut son seul portefeuille (alors qu’après le départ de Chaban-Delmas, beau- coup le voyaient à Matignon). Il aura été, avant et après, l’homme des refus : le portefeuille de l’Éducation nationale en juillet 1968 (ministère Couve de Murville), celui de la Culture à Raymond Barre en 1976.
Son ministère fut recréé, sous l’étiquette de la Qualité de la vie : il faut citer une anecdote sur le choix de son titulaire par le nouveau président Valéry Giscard d’Estaing. Celui-ci, dans sa tournée de candidat, avait apprécié la réception au Creusot par André Jarrot, maire et député de Saône-et-Loire : une fois élu, il lui confia ce portefeuille (Jarrot était surtout connu à l’époque comme un fervent usager de la motocyclette). En fait, avant le passage du candidat, Jarrot s’était précipité à Dijon pour s’entretenir avec Poujade, qui lui avait, sinon rédigé, du moins indiqué les grandes lignes d’un discours de bienvenue...
Emmanuel Leroy-Ladurie, déjà cité, écrivait : « Modeste, quand on n’a plus voulu de lui, il est reparti dans sa province pour planter ses choux, tel Cincinnatus. J’apprends qu’(à Dijon) il fait revivre les quartier anciens et y envisage la circula- tion d’autobus électriques : ils éviteront la pollution de l’air... » Ces paroles lucides datent de quarante ans. Il sut gérer durant cinq mandats en recueillant le plus large consensus, tant chacun, au bas de son immeuble ou au centre-ville, pouvait constater les résultats de l’action municipale.
Les anecdotes concernant la vie publique sont moins truculentes que lorsque Félix Kir descendait de son bureau, sifflet à la bouche, pour dissiper les embou- teillages de la place d’Armes en face du palais des Ducs (c’était à la fin des années 1950...) et pourtant un classique de la littérature locale s’intitule Le chanoine Kir a-t-il existé ? Il faut au moins citer l’impair lors de la réception du couple royal du Népal au château du Clos-Vougeot, où fut servie à ces végétariens notoires une blanquette de veau : voyant l’œil courroucé de la Reine, d’un geste impérieux, le député-maire fit ôter le plat controversé et le fit remplacer par la volaille, que ses instructions avaient pourtant assignée à la table qu’il partageait avec les Majestés. À la fin 1995, il fut invité à l’Élysée pour l’un des tout derniers déjeuners offerts par François Mitterrand, déjà fort malade, qui à la stupéfaction générale (et notam- ment du premier ministre Édouard Balladur) bouscula le plan de table pour placer Robert Poujade à sa droite, et ils parlèrent littérature tout le long du repas...
Il faut aussi évoquer les jumelages (qui lui donnèrent l’occasion d’apprendre l’italien, avant, souligne-t-il, que son fils n’épouse une Italienne) hérités de son prédécesseur, et la grande fête annuelle du vin, deux occasions de faire venir d’au- delà du rideau de fer des jeunes, Tchèques et Roumains, surtout : à la fois pour les vendanges et pour les études. Un personnage aussi folklorique que (pour certains) sulfureux, nommé Robert Levavasseur, réussissait en pleine guerre froide ce tour de magie, toujours soutenu par le député-maire. Plus d’une étudiante de la faculté deve- nait ainsi Tchèque par le mariage... Michel Grivelet, angliciste à la faculté et brillant traducteur de Shakespeare, accompagnait ainsi la délégation à York et le protocole exigeait une réception par la reine Elizabeth : un serveur avait taché le costume de gala de Grivelet qui (on s’en doute) n’avait pas de rechange. R.P. lui suggéra de cacher ce dommage par ses décorations ; mais il ignorait le protocole anglais qui réserve dans ce genre de cérémonies le port de médailles aux officiers de bouche, et Grivelet fut sans ménagement conduit aux cuisines...
La qualité de vie dijonnaise était alors reconnue par tous les médias et toutes les enquêtes d’opinion, Le Point classa ainsi Dijon au premier rang des villes vertes, où l’on respire et apprécie l’environnement. Le seul bémol : suivant l’exemple bordelais, R.P. ne voulut pas revenir au tramway, et laissa la principale artère historique du centre (la rue de la Liberté) aux piétons et aux autobus. Il croyait à la modélisa- tion de la circulation automobile pour résoudre le problème de l’encombrement de la ville, tout comme Chaban-Delmas avec son ordinateur poétiquement baptisé Gertrude. À Bordeaux comme à Dijon, les édiles du xxie siècle ont réinstallé rails et sites propres pour permettre le fonctionnement efficace d’un service de transport urbain (voire suburbain). Ce qui n’a pas empêché, au bout de la ligne 1 à Quetigny, la fermeture de l’imprimerie Darantiere, une des gloires de Dijon (comme la rose de ce nom). R.P. reconnaît dans Passage du siècle que c’était la raison du 19/20 que décernait à l’urbanisme dijonnais Le Point ̧ certes très en avance sur les autres métropoles régionales, mais ce n’était pas 20/20. Comme dans les copies de ses hypokhâgneux.
En 1985, il fit paraître dans la Revue des Causses et des Cévennes un article concer- nant la Bête du Gévaudan, dont il réduisait la part de légende ; il ne pouvait se douter que cet animal mythique, qu’il avait en somme puissamment remis dans le cadre des classifications de son voisin Buffon, et devenu le symbole touristique de la région qui s’ouvre à Marvejols, serait lié deux décennies plus tard aux désastres financiers de cette charmante sous-préfecture, pour laquelle l’édile son collègue avait voulu des travaux pharaoniques. Ces déboires propulsèrent Marvejols sur le devant de la scène médiatique, alors que la gestion particulièrement sobre et efficace des finances publiques dijonnaises mettait la cité des grands ducs d’Occident à l’autre extrémité de l’échelle de la pression fiscale par foyer...
R.P. a toujours pris très au sérieux son rôle de protecteur de l’Académie locale, celle qui avait « lancé » Jean-Jacques Rousseau en 1750 ; de même il ne cessa d’œuvrer pour le rayonnement de l’université, que le recteur Marcel Bouchard (1917 l) venait de transférer hors de l’hôtel de la rue Chabot-Charny sur le coteau de Montmuzard. Il note son regret de n’avoir pu empêcher la disgrâce du recteur mal vu du minis- tère de tutelle et contraint à une retraite prématurée. Le nombre et la qualité des préfaces qu’il rédigea pour des publications de catalogues du musée des Beaux-Arts témoignent de son intérêt pour la culture et les arts3. De même il ne faut pas oublier la résurrection du poussiéreux musée de la Vie bourguignonne, ni la métamorphose du vieux Pavillon de l’Arquebuse en un ultra-moderne Jardin des Sciences où de nombreux archicubes scientifiques vinrent donner des conférences.
Aucune ville de province n’a célébré davantage que Dijon le bicentenaire de notre École, tout le long de 1994 : Poujade se chargea personnellement des littéraires bour- guignons, et son adjoint Baron des scientifiques.
Le nom de Robert Poujade subsistera à Dijon : son successeur François Rebsamen vient de faire approuver en Conseil municipal le baptême à son nom de l’auditorium (que lui-même aurait voulu baptiser Sir Yehudi Menuhin, du vivant du grand violoniste et humaniste).
Patrice CAUDERLIER (1965 l)
Notes
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Cette malencontreuse homonymie lui valut d’être décoré d’un ordre de la Centrafrique par le président Jean-Bedel Bokassa (pas encore empereur) qui, le rencontrant à l’impro- viste muni d’une douzaine de médailles, lui en épingla une d’autorité sur son veston, avec cette considération : « Ah ! Poujade ! Vous la méritez bien ! On ne parlait que de vous à Saïgon ! ! »
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Il faut citer cette anecdote édifiante : de retour à Paris après un congrès du mouvement gaulliste à Lille, le conseiller Pierre Juillet, le jeune député Jacques Chirac et Poujade se retrouvent au wagon-restaurant. Juillet se penche à l’oreille de son voisin : « Voulez-vous que je vous montre qui est Chirac ? », et discrètement, il fait passer le verre (de listrac) de P. devant l’assiette du député de la Corrèze. Celui-ci, sans hésiter, vide le verre.
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Voir ici même, dans la notice de Roland Martin, l’intérêt qu’il prit personnellement pour que la donation du grand archéologue reste au musée des Beaux-Arts. Il faudrait aussi insister sur l’entrée spectaculaire dans ce musée de l’art moderne, avec la donation des époux Granville.