TURCAN Robert - 1952 l

TURCAN (Robert), né le 22 juin 1929 à Paris, décédé le 16 janvier 2018 à Craponne, le Tourillon (Rhône). – Promotion de 1952 l.


Parlant de Robert Turcan et de son épouse, le professeur Jacques Fontaine disait « les ermites du Tourillon » . Et c’est vrai qu’ils menaient une vie quasi monacale . Une œuvre comme celle de Robert Turcan exige de la solitude et un travail incessant .

La passion de la recherche l’avait saisi très jeune . Dès l’école primaire, il allait sur les quais de Seine, en quête de monnaies romaines . Ses petites ressources ne lui permettaient d’acheter que des pièces très frustes . Mais, à cette époque, les marchands des quais étaient des spécialistes qui initièrent leur jeune client à l’art de reconnaître les empereurs sur des bronzes presque complètement effacés . Ils ne se doutaient pas qu’ils le préparaient à déchiffrer et classifier plus tard les profils évanescents du Trésor de Guelma.

La numismatique est inséparable de l’histoire qu’il apprit non dans les manuels, mais en lisant et comparant les auteurs latins et grecs, historiens ou non . Il connais- sait beaucoup de textes, parfois très rares, dont l’intérêt avait échappé et qui lui ont permis de renouveler notre vision de plusieurs empereurs : Héliogabale, Constantin, Hadrien, Marc-Aurèle, et tout dernièrement de réhabiliter la mémoire de Tibère.

Son intérêt pour la philosophie antique n’était pas moindre . À vingt ans, il était à ce point imprégné de Platon et de ses successeurs que ses camarades l’avaient surnommé « Plotin » . Cet intérêt n’a jamais faibli . Ses recherches sur Les cultes orien- taux dans le monde romain, les religions à mystères, le mithriacisme en sont issues .

Avec Rome vint le temps de l’archéologie . Toujours curieux de comprendre les croyances et les sentiments humains, il porta d’abord son attention sur Les sarco- phages romains à représentations dionysiaques. Il se refusait à admettre que les scènes sculptées dans le marbre ne fussent qu’un décor . Mais avant de trouver le sens, il fallait étudier le support : dater, classer, regrouper par thèmes et par ateliers ; travail considérable dont l’ampleur et la qualité n’avaient pas échappé à ses collègues alle- mands qui en firent un correspondant de leur Institut archéologique, bien avant qu’il ne fût celui des Inscriptions et Belles-Lettres . La question du pourquoi restait pour lui primordiale . Quelles croyances, quels espoirs, quelle conception de la vie avaient poussé le commanditaire à choisir pour son tombeau telle scène de sacrifice, tel épisode de la vie du dieu, tel mythe vulgarisé par l’iconographie ou le théâtre ?

Ainsi naquirent, entre autres, les Messages d’Outre-Tombe.

Sa puissante mémoire, alliée à l’absence de tout cloisonnement entre les disciplines, lui permettait de confronter d’un seul coup sur chaque problème, non seulement les textes et l’iconographie, mais aussi les données naturelles, les conditions de vie, les aspirations d’une époque, et de renouveler ainsi sur bien des points notre vision du passé . Derrière le personnage, il cherchait toujours l’homme, qu’il vécût à la Cour des Césars ou dans La vallée du Rhône, aussi bien dans ses préoccupations quotidiennes que dans ses aspirations religieuses .

Ce sens de l’homme éclatait dans ses rapports avec les étudiants . Jamais il n’a laissé sans réponse la moindre demande ou la moindre lettre, prodiguant conseils, renseignements, idées et suggestions . Son cours à l’Institut d’Art réunissait jeunes et retraités, français et étrangers . Ils sympathisaient tous, partageant tous la soif d’apprendre que savait susciter leur professeur .

Robert Turcan fut un travailleur acharné (vingt-sept ouvrages, des centaines d’articles, probablement des milliers de comptes-rendus) . Il a eu jusqu’au bout la satisfaction de pouvoir penser et écrire . Au jour de sa mort, il laissait sur son bureau un article inachevé sur l’hypogée de la porte Majeure .

Mais on aurait tort de se le représenter comme un érudit frileux et compassé . Il a toujours gardé le temps de s’occuper de ses enfants . Il savait les faire rire, jouer avec eux, leur raconter des histoires, improviser des vers humoristiques sur toutes les circonstances du quotidien et faire parler les animaux . Il aimait voyager . Missions, colloques et congrès lui en offrirent mainte occasion, mais il ne se consolait pas de n’être jamais allé au Nemrut Dag . Il aimait la nature, la musique, la bonne chère .

Il a fait son dernier voyage . Il ne repose pas dans une belle cuve de pierre sculptée . Mais il offre à présent ses épaules à qui voudra y monter pour voir plus loin .

M .T .

Ses ouvrages :

1963 Le Trésor de Guelma. Étude historique et monétaire, Paris, Arts et Métiers graphiques .

1966 Les sarcophages romains à représentations dionysiaques. Essai de chronologie et d’histoire religieuse, Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, fasci- cule 210, Paris, De Boccard .

1967 Sénèque et les religions orientales, Collection Latomus, 91, Bruxelles (épuisé) . 1972 Les religions de l’Asie dans la vallée du Rhône . Études préliminaires aux Religions

Orientales dans l’Empire romain, n° 30 Leyde, E . J . Brill .

1975 Mithras Platonicus. Recherches sur l’hellénisation philosophique de Mithra, E P R O, n° 47 .

1981 Presses Universitaires de France collection « Que sais-je ? » Mithra et le mithriacisme.

1982 Firmicus Maternus . L’erreur des religions païennes, Collection des Universités de France, Paris, Belles-Lettres (série latine) texte établi, traduit et commenté (2e tirage 2002) .

1983 E P R O, n° 97 Numismatique romaine du culte métroaque .
1984
Trésors monétaires de Tipasa et d‘Announa (Centre d’études et de recherches sur la Gaule romaine, Lyon, Nouvelle série 2) .

1985 Héliogabale et le sacre du Soleil, Paris, Albin Michel ; traduction italienne, Gênes 1991 .

1987 Vivre à la cour des Césars, Paris, Belles-Lettres, 2e édition 2003 ; traduction italienne, Florence, 1991 .

1987 Nigra Moneta (Centre d’études et de recherches sur la Gaule romaine, Lyon,

Nouvelle série 6) .
1988
Religion romaine, collection Iconography of Religions, Leyde, E . J . Brill XVII, 1 (Les dieux) et 2 (Le culte) .

1993 Mithra et le mithriacisme, Paris, Belles-Lettres, 2e tirage revu et complété 2004, refonte du « Que sais-je ? » de 1981 .

1993 Histoire Auguste, Vies de Macrin, Diaduménien, Héliogabale, Coll . des Universités de France, Paris, Belles-Lettres (2e tirage 2002) .

1995 L’art romain dans l’histoire. Six siècles d’expression de la romanité, Paris, Flammarion ; texte revu et corrigé, 2002 .

1998 Rome et ses dieux, Paris, Hachette .
1998
Les cultes orientaux dans le monde romain, Paris, Belles-Lettres, 3e tirage revu et complété 2004 (traductions : roumaine, Bucarest 1998 ; anglaise, Oxford 1999 (3e tirage) ; espagnole, Madrid 2001) .

1999 Messages d’outre-tombe, L’iconographie des sarcophages romains Paris, De Boccard, 2003 Liturgies de l’initiation bacchique à l’époque romaine (LIBER ) Paris, De Boccard Études d’archéologie sépulcrale, Paris, De Boccard .
2006
Constantin en son temps : le baptême ou la pourpre ? Dijon, Faton .
2008
Hadrien, souverain de la romanité, Dijon, Faton .
2011
Ouranopolis, la vocation universaliste de Rome, Paris, Publisud .
2012
Le temps de Marc-Aurèle. Une crise des esprits et de la « Paix Romaine », Dijon, Faton .

2014 L’Archéologie dans l’Antiquité ; tourisme, lucre et découverte, Paris, Belles-Lettres.