BERRARD Jean - 1943 s
BERRARD (Jean), né le 17 juillet 1925 à Neuilly-sur-Seine (Seine), décédé le 10 décembre 2022 à Paris. – Promotion de 1943 s.
Jean Berrard est issu d’une famille lorraine de Metz qui s’est fixée à Paris proba- blement après la défaite de 1870 . Son père André, qui avait perdu un bras à la guerre de 14-18, était représentant de commerce à Neuilly, et sa mère Andrée, née Husson, s’occupait des deux uniques enfants du ménage : Jean et Suzanne, nés respective- ment en 1925 et 1926 .
L’aîné montre des capacités exceptionnelles en mathématiques et, après l’ensemble de son cycle secondaire et ses classes préparatoires au lycée Buffon, il est admis en 1943 à Ulm, le plus jeune de sa promotion . En mathématiques, celle-ci comptait seulement dix-huit élèves, dont deux futurs grands mathématiciens : André Néron et René Thom . On sait combien cette période fut dramatique pour l’École : ainsi, Thom fut « requis » pour le Travail obligatoire, Maurice Causse, également de la promotion 1943 s, rejoignit les maquis du Vercors . Et parmi tant de déportations criminelles, il y eut celle, fatale, du directeur scientifique de l’École, Georges Bruhat (1906 s), décédé à Sachsenhausen le 1er janvier 1945 .
Jean Berrard est reçu en 1946 premier à l’agrégation de mathématiques . D’après les témoignages d’anciens élèves que nous avons pu retrouver, il fut un professeur de mathématiques exceptionnel, doté d’une diction claire parfaitement en harmonie avec les dessins très précis qu’il faisait à la craie au tableau, sans jamais se reprendre . Il commence une carrière de professeur de classes préparatoires, successivement à Poitiers, Saint-Étienne, Rouen, Clermont-Ferrand et Nancy . En 1957, sa mère décède et il obtient de rentrer à Paris pour s’occuper de son père et de sa sœur . On le nomme successivement, alors qu’il a à peine 35 ans, dans deux des lycées les plus prestigieux de France, Saint-Louis en 1958 et Louis-le-Grand en 1961 . En 1966, il est invité à prendre la taupe de Buffon afin de relever le niveau de l’établissement qui est un peu à la traîne dans les résultats aux concours ; le fait qu’il y avait effectué toute sa scolarité l’a sans doute encouragé à relever ce challenge . La méthode Berrard ne tarde pas à faire ses preuves et le nombre des admis à l’X et dans les écoles normales va bientôt tripler à Buffon . Ses élèves se souviennent qu’il venait les attendre à la sortie des écrits et certains sont même allés en 1968 préparer les oraux dans son apparte- ment tout proche du lycée . Mission accomplie, il retourne à Louis-le-Grand en 1970, mais 1968 est passé par là et il semble que les changements dans l’organisation, les programmes, voire l’attitude des élèves, l’aient un peu découragé . En 1972, il est nommé Inspecteur général de l’Éducation nationale, poste qu’il conservera jusqu’à sa retraite en 1990 . Il fera partie pendant plusieurs années du jury de l’agrégation .
Jean Berrard était très attaché à l’École et en particulier à notre Association d’an- ciens élèves . Et cela ne lui est pas venu sur le tard . En parcourant le Bulletin de la Société des amis de l’École normale supérieure (qui a fusionné avec l’Association des anciens élèves de l’École pour devenir l’association a-Ulm), dans le numéro 53 de novembre 1946, on trouve l’entrefilet suivant (p . 33) : « Notre jeune camarade Jean Berrard, délégué des élèves au Comité, a été reçu cacique à l’agrégation de mathé- matiques . [...] Jean Berrard a rendu de grands services à la Société en faisant inscrire parmi nous plus de cinquante de ses camarades d’École, et en prenant une part active à tous nos travaux . Souhaitons de le revoir un jour au Comité . »
En dehors de ses activités d’enseignement, Jean Berrard, célibataire sans enfant, a vécu un peu à l’écart, s’occupant de son père, décédé en 1969, et de sa sœur, elle aussi célibataire, décédée en 2012 . Il a passé ses dernières années dans une grande solitude . Il y a quelques années, il a souhaité rencontrer notre Association dont il était sans doute un des plus anciens membres . Tout en manifestant un grand attachement à l’École et à l’a-Ulm, il a exprimé le vœu que sa notice soit brève avec quelques repères de sa carrière . Nous avons donc établi cette courte notice respectant sa volonté .
Nous rendons hommage à sa mémoire, à sa carrière toute dévouée à l’enseignement et à son attachement à l’École .
Je remercie Jean-Pierre et Catherine Vial, anciens élèves de Jean Berrard sortis respectivement de Saint-Cloud et de l’Enset, qui m’ont fait part de leurs souvenirs.
Jérôme BRUN (1969 s)