MITTERAND Henri - 1947 l

MITTERAND (Henri), né le 7 août 1928 à Valloux (Yonne), décédé le 8 octobre 2021 à Saint-Père-sous-Vézelay (Yonne). – Promotion de 1947 l.


Déjà nonagénaire, notre camarade avait convié Clive Thomson, un ami de cinquante ans, à une série d’entretiens mémoriels dans sa maison familiale proche de la Colline éter- nelle de Vézelay ; il eut la joie de les voir paraître en 2021 (aux éditions Atlande, à Neuilly-sur-Seine) sous le titre On croit comprendre le monde avec ça ! Pour ne pas le réduire à l’éminent spécialiste de Zola, pour retracer son parcours en France et outre-Atlantique, voici ces quelques lignes qui auraient dû être écrites par un de ses contemporains, et l’on sait qu’il ne se dérobait jamais au devoir de mémoire.

Son père comme tant d’autres fut happé par la guerre de 1914 . Ouvrier sabotier, il quitta son Morvan natal, fut fait prisonnier sur le front et soigné en Allemagne . De retour après l’Armistice, il ne put reprendre son métier et il entra aux Chemins de fer PLM (Paris-Lyon-Méditerranée) qui desservaient sa région (avec les trains reliant la capitale aux nourrices morvandelles) . Il se maria à Valloux, près de Vault-de-Lugny1 (la station après la gare de Sermizelles-Vézelay) et il fut muté rapidement à Autun, où son fils commença son parcours scolaire ; ses souvenirs heureux commencent à la maternelle puis au primaire, rue Mazagran . Il se souvient de son instituteur, Jean Vittaut, un de ceux pour qui l’enseignement était un métier sacré . Il honore la mémoire de ce résistant, correspondant de la Mutuelle, et mort dans un accident d’automobile après la guerre .

Henri revint à Avallon en 1939 (son père était retraité) pour les années de collège, c’était l’Occupation ; et il a relaté ses souvenirs en 2013, pour la Société d’histoire locale . Il y insiste sur l’organisation, le sérieux, voire la sélection qui régnaient dans cet établissement aux faibles effectifs (trois élèves en grec) accueillant moult réfu- giés . Il se souvient avec émotion de Paul Mathias (1938 l) dont c’était le premier poste, qui lui révéla la littérature dès la classe de seconde ; l’année suivante, ce jeune professeur fut muté à Grenoble, pour bien vite passer en faculté ; mais il avait appris au jeune Henri l’existence de la khâgne, et le mot même, et lui avait raconté sa propre expérience au lycée du Parc . Donc, après le baccalauréat, le voici à Carnot (Dijon) : huit hypokhâgneux dont trois internes . Il commença sa licence de latin à la faculté (sous Eugène de Saint-Denis) . Mais dès l’année suivante il part à Paris (Henri-IV), où il apprécie Jean Boudout (1920 l) et l’historien André Alba (1913 l) ; en revanche l’helléniste l’ennuie à mort . Il hante Sainte-Geneviève chaque soir et résume ainsi cette année : « formation fabuleuse : on acquiert la méthode » . Cette année, au singulier : car un télégramme lui annonce son admissibilité ; il y croyait si peu qu’il était rentré chez ses parents . Il se souvient avec émotion de l’oral de philoso- phie, où il obtint la moyenne sur « la possibilité de la métaphysique » devant Georges Canguilhem (1924 l) et Maurice Merleau-Ponty (1926 l) ; il reconnaît mériter le 6 en histoire devant Jean-Baptiste Duroselle (1938 l) et le jeune assistant Victor Tapié ; trois jours après celui-ci, d’un regard complice, lui fait comprendre qu’il figure sur la liste des élus et met fin à l’interminable attente .

Le voici dans un nouvel internat : « un mélange de travail dans une spécialité qu’on se donne, et puis de fantaisie », écrit-il . L’ultime spécialité fut le certificat de grammaire et philologie française (il avait choisi l’option moderne, et il en fit de même pour l’agrégation de grammaire) . Mais il ne fut pas cacique, seulement dixième ou douzième, dit-il, car selon ses propres mots j’ai payé : il a perdu beaucoup de temps à cause de son adhésion au Parti et de son militantisme2 ; son père, lui, n’avait jamais milité et son grand-père maternel était un radical-socialiste bon teint . Il n’a pourtant connu Louis Althusser (1939 l) que de loin, et préfère se souvenir des cours d’éducation physique (il ne cite pas le nom du mythique Ruffin) et de judo avec Charles Delamare (1948 l), le futur banquier . Très vite il prend ses distances et, saluant le courage de Robert Poujade (également 1948 l) seul contre tous affi- chant sa fidélité à l’homme du 18 juin, il reconnaît que personne n’a écrit sur l’ENS des années 1950, sauf Emmanuel Leroy-Ladurie (1949 l) dans son Paris-Montpellier PC-PSU 1945-1963. Il parle de ces années aux illusions extraordinaires : « On était intoxiqués : on ne voulait surtout pas entendre parler de tout ce qui se racontait sur les camps de concentration staliniens. »

À l’époque il rejoignait le Morvan en motocyclette, et en rapporta l’accordéon3 qu’il avait acheté « pour un peu d’argent de poche dans les baloches » .

Le voici agrégé en 1951, il part à Sète pour le Bonvoust, où il sert d’écrivain public . Il revient après onze mois à Fontainebleau puis au Mont Valérien où il accompagne le colonel . L’armée avait repéré ses talents d’écrivain et d’orateur : c’est qu’il s’était pris d’admiration pour Robert-Léon Wagner, « le plus grand seigneur de la Sorbonne » (il la partageait avec Michel Crouzet [1948 l] auquel il avait demandé de diriger son mémoire [Le vocabulaire populaire dans Le Feu d’Henri Barbusse], en même temps qu’il était membre fort actif du comité de rédaction de Clarté) .

Au séminaire de Wagner aux Hautes Études il entendit parler de Marguerite Duras et d’Émile Zola : c’est là qu’il choisit l’auteur4 dont il fut, est et restera le spécialiste incontestable .

Wagner le fit entrer à la Fondation Thiers ; avec quatre autres célibataires, il fut boursier du CNRS en même temps qu’il publiait ses premiers articles dans Le Français moderne. Il se plaît à opposer le rond-point Bugeaud à la rue d’Ulm : valets de chambre, notamment pour la corvée matinale du poêle, service des repas, c’est là qu’il commence à travailler sur Zola, c’est à ce moment qu’il connaît Hélène, à la Bibliothèque nationale . Et dès ce moment il s’attelle à la publication des romans de Zola pour Tchou et pour la Pléiade . Après Thiers, il enseigne un an à Melun puis il se rapproche de Paris : il est nommé au prestigieux lycée Marcellin-Berthelot (à Saint-Maur-des-Fossés) quand Bernard Quemada l’appelle à Besançon dans son équipe . La même année, il rencontre le docteur Zola et a accès aux papiers conservés par la famille de l’écrivain .

Il resta sept ans à Besançon . Cette itinérance hebdomadaire lui semblait tout à fait vivable malgré les quatre heures de trajet depuis Paris, mais en compagnie de trois autres collègues dont Jacques Petit5 . Il appréciait cette faculté jeune, exceptionnel- lement dynamique, mais les étudiant(e)s aimaient moins le cours de huit heures du matin . Son apparition fit sensation, car il était précédé de sa réputation : un monsieur qui a écrit des Pléiade... et il n’avait que 35 ans . Parallèlement, il était chargé de cours à l’ENS de Saint-Cloud et animait la SELF (Société d’études de la langue française) . Celle-ci souhaitait moderniser les recherches sur la langue, dans la perspective saus- surienne qu’il avait découverte à Thiers . C’est ainsi que parut le Que sais-je ? Les mots français sept fois repris, et bien plus encore réédité .

Mais Reims est plus proche de Paris que Besançon . . . et la création du collège univer- sitaire (dépendance de l’université-mère de Nancy) en 1965 le rapprocha de Paris ; une heure et demie de train, cours le mercredi et le jeudi, et le reste à la Nationale : cela lui permit de publier la première édition complète de Zola (15 volumes chez Tchou, au Cercle du livre précieux, de 1966 à 1970) avant de réaliser pour Gallimard les volumes de la Pléiade, Œuvres complètes et de commencer l’immense série des ouvrages pédago- giques (sur les 322 entrées à son nom à la BNF ils sont toutefois en minorité) . C’est par Pierre Miquel, l’historien qu’il avait connu à Melun, qu’il prit contact avec le milieu de l’édition qui lui fit toucher un très large public, scolaire et enseignant ; tant de manuels qu’il lançait, dirigeait, contrôlait . Et cela pour les quatre niveaux du collège .

Il savait donc de quoi il parlait, lorsqu’il constatait en 2019 l’appauvrissement du bagage des jeunes bacheliers, à l’inculture littéraire évidente puisque leur menu était constitué de rondelles.

Laissons-le présenter son diagnostic : « Le concept de littérature disparaissait . Aucune importance que cela soit signé Montaigne, Rousseau ou Chateaubriand . Les élèves qui passent le bac n’ont jamais étudié dans le détail une tragédie de Racine ou une comédie de Molière, sauf si le professeur a pris des libertés avec les instructions pédagogiques . Saluons la sémantique et la narratologie : avec elles, le plaisir et le profit de la lecture disparaissent . [ . . .]

« Le résultat est que vous avez affaire maintenant à des adolescents de 17 ou 18 ans qui sont incultes, et qui le resteront . Ils ont des noms et des étiquettes en tête, mais ils n’ont jamais tiré parti de la lecture d’une page de Voltaire ou d’un roman de Flaubert parce que cela passait pour trop difficile . Il fallait les supprimer du programme . Je pense au contraire que le programme actuel de Littérature française au lycée est outrageusement réactionnaire, parce qu’il a privé les jeunes du fond de culture qui permet de comprendre le monde, et de continuer à lire . » (p . 52 puis p . 54) .

C’est l’expérience vécue après 1968 qui l’autorise à énoncer ces cruelles vérités, lui, un ancien de l’École voulue par Garat pour permettre à tous les enfants d’accéder à la même, et haute, culture . La suite de son parcours permet d’expliquer ce qui peut paraître un paradoxe .

En effet il fut un des premiers à rejoindre l’université expérimentale de Vincennes (Paris 8 : sans les chiffres romains) . Il quittait Reims – où il se rendait en voiture en mai-juin 1968 constatant que le gouvernement approvisionnait les pompes en essence – pour une université expérimentale, qui attirait les meilleurs historiens, littéraires, philologues . . . des jeunes générations . Or très vite il refusa la révolu- tion permanente qui en était le moteur, et comprit le désastre instauré par la loi Edgar Faure . Le ministre, selon lui, avait installé dans l’Université le modèle parlementaire de la Quatrième, condamnant au désordre et à l’impuissance . Il se souvient de l’expulsion de certains enseignants par des étudiants extérieurs à leur département, menés par le sosie de Rosa Luxembourg . Cette « république populaire anarcho-maoïste » n’a pas réussi : et finalement ce système, voulu révolutionnaire, était très rétrograde . Il affirmait à son interlocuteur canadien connaître les noms des deux chevaux de l’hippodrome voisin qui, nantis de cartes d’étudiants avec photo- graphie, ont obtenu leur certificat de sociologie : c’est en somme la version moderne du fameux « peintre » surréaliste Boronali, le protégé de Roland Dorgelès . Dès qu’il le put, nanti de son doctorat soutenu en 1969, il émigra à Paris (en l’occurrence Paris III Sorbonne Nouvelle) .

C’est à ce moment qu’un de ses anciens collègues bisontins, Pierre Léon, l’invita pour un colloque à Toronto . « Le destin passe et vous avez le coup de chance » : c’est le titre du dixième entretien . Il découvrit l’Amérique, à cent, à mille lieues du cloaque de Vincennes . S’il resta douze ans à la Sorbonne Nouvelle, il fut de plus en plus fréquemment invité aux États-Unis et notamment à Columbia University, à la suite d’un semestre à New-York, où il avait été remarqué pour un compte rendu de Michael Riffaterre . Il fit valoir ses droits à sa retraite en France (1989) et resta douze ans titulaire à Columbia – qui lui paya pour son départ en 2004 une trei- zième année complète . C’est ainsi qu’il organisa les cérémonies du Bicentenaire de l’École auxquelles tous les normaliens new-yorkais participèrent, un colloque Dreyfus-Zola, et surtout qu’il rédigea les deux mille huit cent quatre-vingt-neuf pages de sa biographie de Zola, écrite en six ans et publiée chez Fayard : Sous le regard d’Olympia en 1999, L’Homme de Germinal en 2001 et l’année suivante L’Honneur 1893-1902 . Il ajoutait qu’il n’aurait jamais pu les écrire dans une université chrono- phage du vieux continent . Bien évidemment, il se joua des difficultés de l’édition de la Correspondance de Zola, dix volumes en vingt ans, bien évidemment il trouva de quoi rajouter, avec son Zola tel qu’en lui-même (PUF, 2009) et son Autodictionnaire Zola dans la collection Omnibus (2012) : tous les personnages des Rougon-Macquart et des Trois villes y sont réunis, à rendre jaloux les balzaciens . . .

C’est le même7 qui cosigne avec Jean Dubois et Albert Dauzat le Dictionnaire étymologique et historique du français que Larousse publie en 1969 et republie chaque décennie ; c’est lui qui signe chez Armand Colin La Littérature française du xxe siècle en 1996 (rééditée en 2007) après avoir dirigé le Dictionnaire des œuvres du xxe siècle : littérature française et francophone (Le Robert 1995) ; c’est toujours lui qui présente avec soin et amour Cent films, du roman à l’écran (éd . du Nouveau Monde, 2011) . Il faut lire et savourer les vingt pages de préface (sur deux colonnes) avec une épigraphe de Julien Gracq (Louis Poirier, 1930 l) . Bien sûr, La Bête humaine y figure ; bien sûr il y avait consacré une étude complète, édition et commentaire, avec une préface de Gilles Deleuze . Elle est parue en Folio en 2001 et les amateurs ne peuvent être qu’admira- tifs devant le travail de l’auteur, qui démontre que l’inspiration de Zola lui est venue de la catastrophe du 11 mars 1886 lorsque deux trains du PLM se télescopèrent entre Monte-Carlo et la gare de Cap-Martin (la ligne étant encore en voie unique, elle n’existe plus depuis 1963) et que l’équipe de l’un d’eux, apercevant l’inéluctable, eut le réflexe de battre contre-vapeur, puis le mécanicien sauta d’un côté et le chauffeur de l’autre . Eux furent indemnes, mais ils sont la source de la lutte ultime des deux rivaux Lantier- Pecqueux sur la plateforme de la 608, une fois leur chère Lison disparue . En fouillant les journaux (parisiens), Mitterand a apporté la pièce qui manquait à la genèse du roman .

Il ne peut être question ici de présenter, ni même de citer, tous les manuels auxquels il a apporté son concours, pour lesquels il a rédigé une préface, tous les articles de critique littéraire ; il semble nécessaire d’insister sur l’édition de la trilogie des Villes : Lourdes, Paris et Rome, la dernière pierre à l’édifice . Enfin, son Maupassant illustré à chaque page de tableaux de maîtres replaçant le texte dans son cadre normand, en choisissant des « rondelles de nouvelles », pour reprendre son expression, pour inciter à apprécier et à relire l’auteur au style le plus percutant de son siècle avec Mérimée, est une merveille d’art, d’édition et d’érudition, tant discrète qu’elle est comme cachée – finalement aussi invisible que les bielles de la vraie Lison.

Cette boulimie d’écriture ne doit pas faire oublier le drame que fut pour lui et son épouse la perte de leur fille Marie-Hélène, d’une récidive inattendue alors qu’elle semblait délivrée . Les quatre petits-enfants (deux nés d’elle et deux de son aîné Jacques) tant choyés auront aidé Henri et Hélène à supporter l’absence . Il a fini ses jours dans un haut lieu de l’Esprit, près du village natal ; et sur deux continents, il est le passeur vers Émile Zola, qu’il a définitivement justifié, préservé des « noirs vols du blasphème » ;  il est ainsi l’incontournable référence sur l’Affaire ; et enfin il a permis à tant de collé- giens, de lycéens d’accéder au monde des Lettres, qu’il est impossible de choisir sa plus belle et plus utile œuvre . Puissent ces lignes lui rendre l’hommage qu’il mérite de tous !

Patrice Cauderlier (1965 l)

Notes

  1. 1 .  Henri Mitterand n’oublia jamais ses origines ; il fut un des membres fondateurs de l’Aca- démie du Morvan (1967) et il consacra une plaquette aux Peintures murales de l’église de Vault-de-Lugny, entre autres études régionales qu’il donnait à la Société d’études avallonnaises .

  2. 2 .  Il vendait L’Humanité dans la rue et à ce titre fut arrêté avec André Charpentier (1948 l) ; mais le commissaire, au vu de l’adresse figurant sur leur carte d’identité, les relâcha immé- diatement : entre voisins...

  3. 3 .  Il avait été l’acheter à Tonnerre (à vélo) durant l’occupation et le 8 mai 1945 il avait improvisé au marché couvert d’Avallon un bal pour fêter la reddition allemande avec, à la contrebasse, l’autre helléniste du lycée d’Avallon . . . un peu avant, il s’était endormi en cours d’histoire parce qu’il avait fait danser jusqu’à une heure du matin .

  4. 4 .  Ce ne pouvait être qu’un non-archicube, pour aiguiller un jeune normalien vers celui qui disait en 1882 de l’excellente pépinière de professeurs de la rue d’Ulm : « Si vous semez des professeurs, vous ne récolterez jamais des créateurs », et concluait sa diatribe par : « Tous des pions, rien que des pions ! » Il revint sur cette opinion lors de l’affaire Dreyfus, mais ces pages étaient écrites (dans Une campagne) .

  5. 5 .  Prématurément disparu en 1982, il laisse son nom accolé au Centre de recherches littéraires de l’université Franche-Comté ; voir ici la notice sur Marie Ollagnier-Miguet, page 124 .

  6. 6 .  Le binôme Miquel-Mitterand, devenu prudemment « Pierre Aumoine et Charles Dangeau »,

    publia chez Fayard en 1965 La France a cent ans. Sommes-nous nés en 1865 ? Prudemment,

    puisque le gaullisme et le bonapartisme étaient juxtaposés dans une grille assez féroce . . .

  7. 7 .  Cette formulation alambiquée est causée par la couverture de ce Dictionnaire, édité par les soins de la maison Larousse, sur laquelle en lettres majuscules son patronyme est orthogra- phié avec deux R . . . au moins dans l’édition qui figure en Bibliothèque des Lettres (1998) .

  8. 8 .  On ne peut qu’être surpris de voir figurer en couverture l’embiellage de la 230 G 353, la seule survivante des vapeurs du Paris-Orléans, alors qu’une authentique Pacific, sœur de celle sur laquelle ont tourné Jean Gabin et Carette dans le film de Duvivier, une véritable machine État du Paris-Le Havre, la 231 G 558 de Jules Nadal, est préservée près de Rouen ; elle était remise en état de marche dès 1984 . [Personnellement, j’ai toujours pensé que si Zola avait choisi la Lison pour son roman, c’était bien sûr pour l’ambiguïté de son nom de baptême, faisant d’abord référence à la gare de bifurcation pour Saint-Lô, mais aussi et surtout parce que cette 220 était d’une série construite outre-Manche (à Glasgow) à la mode britannique avec les cylindres à l’intérieur du châssis, donc non visibles, et que le fils de l’ingénieur des chemins de fer, François Zola, ne risquait pas de commettre un impair en décrivant le mouvement des bielles . C’est cette particularité qui permet au romancier de faire avancer le mécanicien Lantier au-devant du châssis pendant la marche de la Lison, pour la graisser : ce qui aurait été impossible avec des cylindres extérieurs, même à Jean Gabin.]

Post-scriptum

Je crois devoir ajouter ces lignes qu’Henri Mitterand écrivait au bureau de l’a-Ulm à l’occasion de la notice sur Maurice Meuleau (cf . L’Archicube 27bis, 2020, p . 106, où il écrit d’ailleurs le nom de l’helléniste visé supra) :

La survie de l’École, de son rôle éminent dans la culture nationale, de ses tradi- tions, semble menacée par son absorption dans un collectif d’organisations universitaires auquel elle devra peu ou prou soumettre ses projets de développement, et par le procès en « élitisme » qui lui est fait et qui conduira à une modification drastique de son régime d’admission et de fonctionnement.

La publication annuelle, par les soins de l’a-Ulm, d’un volume tout entier consacré à la biographie, personnelle et professionnelle, des camarades récemment (ou ancienne- ment) disparus contribue, au premier chef, au maintien de l’École telle quelle, comme instrument essentiel de la nécessaire sélection (ne craignons pas ce mot) des savoirs, des talents et des créativités.

Chaque notice est ainsi une marque de mémoire, d’affection et d’hommage, et une invite à la réflexion des lecteurs sur la vitalité intellectuelle du pays.