MENNESSIER Gérard - 1961 s
MENNESSIER Gérard, né le 28 septembre 1942 à Aix-les-Bains (Savoie), décédé le 8 avril 2016 près de Grospierres (Ardèche). – Promotion de 1961 s.
La vocation scientifique de Gérard Mennessier a certai- nement été favorisée par sa famille : père et grand-père ingénieurs, oncle centralien, pas très conventionnels. Après ses études secondaires à Paris, au lycée Janson de Sailly. Gérard Mennessier a été à l’École normale un élève très discret. En conscrit, il tenait à son co-thurne (non matheux) de longues et passionnantes discussions sur Bourbaki et l’évolution des mathématiques.
En 1962 il épouse Marie-Odile Bilbaut, future astronome qui a été promoteur du catalogue d’étoiles Hipparcos. Ils ont eu deux enfants, Élisabeth et Xavier. Après une agrégation de mathématiques, Gérard s’est consacré à la physique théorique des interactions fortes, d’abord à Orsay, au Laboratoire de physique théorique et hautes énergies (1965-1974), puis à l’université Paris VI (1974), au CERN (1974- 1976) et enfin à Montpellier : d’abord comme directeur de recherche au Laboratoire de physique mathématique (LPM), devenu par la suite Laboratoire de physique théorique et astroparticules, puis au Laboratoire Charles Coulomb.
Parallèlement à l’étude, avec Stephan Narison, des très éphémères mésons sigma, Gérard s’est chargé de l’équipement du LPM en ordinateurs et, sollicité par les biolo- gistes, a beaucoup travaillé au développement de la base de données rassemblant les informations d’ADN, démarrant ainsi un travail pluridisciplinaire avec le domaine biologie-santé (travail relatif à l’implantation d’électrodes dans le cerveau). Il m’a parlé des canaux ioniques des membranes cellulaires, impliqués dans des maladies graves.
Gérard Mennessier a été pour moi un ami, un collaborateur et un exemple de vie. C’est à l’École et dans le RER Paris-Orsay, en allant suivre les cours de physique théorique, que j’ai appris à mieux le connaître, avec son enthousiasme, sa discrétion, sa droiture, son style de vie sobre. Nous partagions un amour de la marche venu, pour lui, de son enfance à Aix-les-Bains et de vacances en montagne. En revenant d’Orsay par le RER, j’avais parié que c’était plus rapide de descendre à Port-Royal, lui de descendre à Luxembourg. Expérience faite, il est arrivé à l’École 50 mètres avant moi.
Travailler avec Gérard était stimulant. Avec son allant et sa grande compétence en informatique, tout paraissait facile. À Orsay, bien que déjà très occupé par sa thèse, il a accepté de m’aider pour des simulations numériques du détecteur à rayonne- ment de transition (qui permet de séparer les électrons des hadrons à haute énergie). Puis, en utilisant le modèle des cordes, nous avons réalisé les premières simulations Monte-Carlo de collisions hadron-hadron à haute énergie. J’aurais aimé poursuivre cette collaboration, mais c’était difficile après le départ de Gérard à Montpellier car il n’y avait pas encore l’internet.
Après ce départ, Gérard et sa famille sont restés très amis avec la nôtre, nous faisant découvrir le Grand Veymont ou l’Aigoual. L’été, la famille allait au centre de vacances du CNRS à Aussois. C’est peut-être là qu’est née chez leur fils Xavier la vocation de guide de montagne. Malheureusement, en 1992, Xavier fut tué par la chute d’une pierre au pied du Grand Dru, dans le massif du Mont-Blanc, malgré la précaution qu’avait prise la cordée de partir de nuit pour éviter le dégel. Le décès de Marie-Odile, en décembre 2004, fut un second coup dur pour Gérard et leur fille Élisabeth. Celle-ci, architecte dans le Vercors, est mariée avec un ingénieur INPG, Laurent. Ils ont trois enfants.
Gérard appliquait une rigueur scientifique aussi bien aux questions sociétales qu’à celles de religion. Ses intérêts ne se limitaient pas à la physique ou aux mathématiques. Il se disait lui-même « passionné d’éthique scientifique ». Pendant ses années d’École il a participé au SEPT (Secrétariat pour l’Étude des Problèmes de notre Temps) animé par le père dominicain Heckenroth, et plus tard aux Semaines sociales de France et à un groupe de réflexion sur les sujets de société actuels (sociologie, économie, philosophie, géopolitique...) animé par d’anciens élèves. Il a été l’initiateur d’une conférence en 2001 sur la brevetabilité du vivant, où intervenait Axel Kahn, et a coorganisé en 2003 le colloque « Choisir l’homme de demain », où intervenaient, entre autres sommités, Jean-Claude Carrière, Jacques Testart, Michel Serres...
Au-delà de ses mérites scientifiques, Gérard Mennessier reste pour nous un exemple de modestie, d’ouverture d’esprit et de dévouement à ses proches, en notre époque de compétition et d’hyperspécialisation.
Il est décédé le 8 avril 2016 au cours d’une randonnée solitaire près de Grospierres dans l’Ardèche.
Xavier ARTRU (1961 s)