LAZARD Gilbert - 1940 l

LAZARD (Gilbert), né le 4 février 1920 à Paris, décédé le 6 août 2018 à Paris. – Promotion de 1940 l.


Boursier dès sa réussite au concours d’entrée en sixième au lycée Charlemagne, Gilbert Lazard obtint son baccalauréat en 1937 et traversa la Seine pour suivre les classes préparatoires du lycée Henri-IV mais il fut replié à la rentrée de 1939 au lycée de Rennes . Il fut appelé sous les drapeaux en juin 1940, et vu les événements fut affecté aux Chantiers de Jeunesse dans la Grande Chartreuse jusqu’en janvier 1941 . Il y apprit, trop tard, son admission à l’oral : une session de rattrapage organisée à Lyon lui permit de rejoindre la rue d’Ulm en janvier 1941 .

Il y resta deux ans et s’engagea dans une agrégation de grammaire . Cependant, bien qu’ayant bénéficié d’une dérogation pour rester à l’École, il se résigna à aban- donner provisoirement son agrégation, les juifs ayant alors l’interdiction d’enseigner . Il s’inscrivit à la faculté de droit et fréquenta la Maison des lettres, dirigée alors par Pierre-Aimé Touchard . C’est ce dernier qui aidera Gilbert Lazard à rejoindre le maquis . Accompagné de deux autres camarades normaliens, Gilbert Lazard quitta Paris pour les Alpes et le Jura, et agit sous le nom de Périclès dans le service dit des maquis-écoles, chargé de la formation intellectuelle des jeunes résistants . Il rejoignit Lyon puis Paris ; le réseau fut démantelé et le 1er mai 1944 Gilbert Lazard fut arrêté . La prison de Fresnes, le camp de Compiègne, et en juillet 1944 le voici à Dachau, où il resta jusqu’en avril 1945 . Il revint alors à l’École et reprit ses études malgré des problèmes de santé . Lors du congrès de l’Union internationale des étudiants à Prague, il rencontra Madeleine Moisan, qui deviendra sa femme . Ils fêteront leurs soixante- dix ans de mariage . Il fut reçu à l’agrégation de grammaire en 1946 et l’année suivante, sur les conseils de son futur maître de thèse Émile Benveniste, s’initia au persan à l’École nationale des langues orientales vivantes (actuel Inalco) . Le CNRS le recruta dès la rentrée 1947 comme aide-technique puis attaché de recherche, pour l’envoyer au titre de pensionnaire scientifique à Téhéran de 1948 à 1951 .

Il y établit de nombreux contacts universitaires et alla dans les villages étudier les dialectes locaux .

Il en revint pour suivre la carrière de chercheur au CNRS : attaché, puis chargé de recherches jusqu’en 1958, date où il devint professeur de persan aux Langues Orientales . Il soutint sa thèse en 1960 et partit ensuite à Los Angeles (UCLA) comme visiting professor. Après y avoir décliné une proposition de poste permanent, il revint en France en 1962 . L’université de Paris lui confia en 1966 la chaire de langues et civilisation iraniennes, rattachée en 1969 lors de la partition à Paris III-Sorbonne Nouvelle . Il y enseigna jusqu’en 1981 et parallèlement devint en 1972, directeur d’études (linguistique et philologie iraniennes) à l’École Pratique des Hautes Études (4e section) . Il siégeait à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres depuis 1980 . Sa carrière s’acheva en 1990 .

Ses centres de recherches furent d’abord la linguistique et la philologie iraniennes, mais à partir de 1975 il s’occupa davantage de linguistique générale . En premier, il faut citer sa Grammaire du persan contemporain (1957, rééditée en 2006) et le Grand Dictionnaire persan-français paru en 1990 dont il fut l’un des piliers . De nombreux articles de dialectologie iranienne, des travaux sur la formation de la langue persane (à partir du xe siècle) et l’origine de la versification persane classique complètent son œuvre philologique, qui lui ont permis de traduire en français les poètes persans, classiques comme contemporains .

En linguistique générale, il s’est intéressé à la typologie, particulièrement sur la phrase simple et sa syntaxe ; de 1984 à 1994 il a animé l’unité de recherche Rivalc du CNRS (Recherche interlinguistique sur les variations d’actance et leurs corrélats) et participé au programme intereuropéen sur la typologie des langues Eurotyp . Il a publié aussi (en collaboration) une description de la langue polynésienne de Tahiti et plusieurs volumes de typologie grammaticale . Ses derniers écrits inspirés de la tradition de Ferdinand de Saussure rappellent la valeur du structuralisme européen, jugé mieux fondé théoriquement que la pratique devenue majoritaire, qui s’inspire directement ou indirectement de Noam Chomsky et de la tradition américaine .

De son mariage en 1948 avec Madeleine Moisan, spécialiste de la Renaissance et professeur de littérature du xvie siècle, sont nés deux enfants . Deux de leurs trois petits-enfants, Arnaud et Tristan, sont archicubes (2011 et 2013 s) .

Tristan LAZARD (2013 s)