SÈVE Alphonse - 1904 S
SÈVE (Alphonse), né à Mariol (Allier), le 12 janvier 1883, mort pour la France à Ammerzwiller (Haut-Rhin) le 27 janvier 1915. – Promotion de 1904 s [1903].
La commémoration de la Première Guerre mondiale est l’occasion de rendre à ceux qui y ont laissé la vie un hommage plus circonstancié qu’un nom gravé sur un monument . Rien n’aurait pu laisser prévoir la carrière d’Antoine Alphonse Sève, tragiquement écourtée par la guerre . Il est né dans un milieu modeste de culti- vateurs, dans une petite commune très rurale où sa sœur Alice, plus jeune de six ans, a passé toute sa vie ; une partie de sa famille habitait le hameau de Calleville, partagé entre les communes de Mariol (Allier) et de Ris (Puy-de-Dôme) dont le seul enfant un peu connu est l’abbé Louis Cognet (1917-1970), historien du jansénisme et de la spiritualité chrétienne au xviie siècle, qui fut brièvement doyen de l’Institut catho- lique de Paris . C’est là aussi qu’est né en 1886 mon propre grand-père Julien Sève, ce qui explique l’intérêt que mes frères Bernard (1970 l) et Pierre (1979 l), comme moi-même, avons porté à cet archicube dont j’ai découvert l’existence par le monu- ment aux morts de l’École . Les Sève sont nombreux à Calleville, et la répétition des mêmes prénoms d’une génération à l’autre et d’une famille à l’autre y rend inextri- cable l’écheveau des relations familiales . Je me suis longtemps demandé si Alphonse, mes frères et moi étions apparentés . Ce n’est pas impossible, mais ce serait d’une parenté lointaine bien difficile à préciser .
Le bénéfice d’une demi-bourse lui permet de faire des études au lycée Blaise- Pascal de Clermont-Ferrand . Elles sont brillantes : à la distribution des prix de juillet 1900, trois élèves ont été distingués pour la médaille d’honneur créée par l’Associa- tion des anciens élèves du lycée, et il reçoit celle décernée au titre de l’enseignement secondaire moderne . Reçu à l’École au concours de 1903, il s’engage à Roanne pour 3 ans en vertu de la loi du 11 juillet 1892 et effectue un an de service comme soldat du rang, puis caporal, au 98e régiment d’infanterie . Il est admis 4e à l’agrégation de physique à la session de 1907 (il était premier à l’écrit) ; le jury voit en lui un professeur d’avenir . Il est aussitôt nommé professeur de physique au lycée de Pau pour succéder à Paul Viguier (1903 s) nommé préparateur de chimie à l’École . Il n’y termine pas l’année, contrairement à son souhait : le 28 mai 1908, il est nommé avec effet immédiat au lycée de Montpellier pour suppléer un collègue décédé, dont le service comportait une classe de préparation à Saint-Cyr (Viguier devait lui succéder dans ce même lycée en 1913) . En 1913 enfin, il est nommé au lycée de Besançon, ce qui lui permet d’enseigner en Spéciales . C’est par l’effet d’une confusion avec son quasi-homonyme et contemporain Pierre Sève (1901 s) qu’il figure dans la liste des enseignants de physique de l’École pour les années 1905-1910 . On lui recon- naît une instruction étendue, de la confiance en soi, mais justifiée, de l’autorité, un caractère primesautier ; il avait la parole facile et parfois plus d’allant que de rigueur, défaut dont il se corrige graduellement . C’était un professeur très écouté . On lui fait le mérite de continuer à travailler et de se tenir au courant, et d’appuyer son enseignement de la chimie non seulement sur la théorie, mais aussi sur les réalités industrielles de son temps .
Il épouse à Montpellier, le 17 avril 1914, Claire Clotilde Servent, d’une famille d’artisans (père et grand-père menuisiers) et de fonctionnaires (oncle directeur d’école publique, cousin postier) . Le destin a voulu que son mariage n’ait duré qu’à peine plus de neuf mois, la cohabitation effective des époux trois mois et demi . Il n’a pas eu de descendance .
Incorporé en effet comme sergent le 3 août 1914 au 260e régiment d’infanterie formé à Besançon, il prend part à partir du 7 août aux opérations militaires en Alsace . Il est mort dans l’après-midi d’un jour de grand froid à la tête de sa demi- section lors d’une des premières batailles furieuses et vaines destinées à prendre le contrôle du Hartmannswillerkopf, le Vieil-Armand, dans le sud de l’Alsace . Déclaré mort pour la France, il a été inscrit le 30 juillet 1921 au tableau spécial de la médaille militaire à titre posthume : « S’est élancé en avant de sa demi-section pour l’entraîner sur un terrain absolument uni et battu par les mitrailleuses . Est tombé mortellement frappé, à 300 mètres des tranchées ennemies . A été cité [on ne sait à quel ordre il l’a été] » . Son nom figure avec l’initiale A . sur le monument aux morts du cimetière de Mariol, avec son prénom d’Alphonse sur les plaques commémora- tives de l’église de Mariol et de l’ancien lycée Blaise-Pascal devenu centre culturel à Clermont-Ferrand, avec celui d’Antoine sur le monument aux morts de Montpellier où résidait sa veuve et, sans son prénom mais classé à l’année de sa promotion, sur celui de l’École .
Michel SÈVE (1969 l)