BARON Christian - 1949 s
BARON (Christian), né le 9 octobre 1930 à Dijon (Côte-d’Or) et décédé le 5 août 2014 à Dijon. – Promotion de 1949 s.
J’ai découvert Christian Baron dès ma troisième année à l’École (1956-57), en commençant mon diplôme d’études supérieures au labo de chimie de la rue Érasme, piloté par le caïman Raymond Hamelin (1950 s), sous la direction d’Albert Kirrmann (1919 s), l’éminent chimiste organicien alors directeur adjoint de l’École . Ayant trouvé plusieurs flacons étiquetés « Christian Baron », j’avais appris qu’ils apparte- naient à un ancien caïman .
Des circonstances familiales m’ont amené à exercer en classes préparatoires aux grandes écoles au lycée Carnot à Dijon, à partir de 1965 . C’est alors que j’ai eu la surprise de rencontrer l’auteur des fameuses fioles . Ce fut principalement à la paroisse Saint-Bernard de Dijon à laquelle appartenaient nos deux familles et, plus tard, autour de l’ancien maire de Dijon, Robert Poujade (1948 l), qui avait réuni tous les archicubes dijonnais pour préparer la commémoration du bicentenaire de l’École, particulièrement une exposition organisée en 1994 à l’Hôtel de Ville de Dijon .
Tous ces souvenirs, et les renseignements fournis par son épouse, m’ont permis de rédiger les lignes qui suivent .
Christian est né à Dijon en 1930 où son grand-père, puis son père, les professeurs Paul et François Baron, dirigèrent la maternité . Il a fait toutes ses études secondaires à Dijon, au lycée Carnot, avec un bac « math élem . » obtenu en juin 1947 complété par l’épreuve de la série « philo » en septembre de la même année .
Il fit hypotaupe et taupe au même lycée . En taupe il a eu, en maths, Maurice Durrande (1927 s), futur professeur de Spéciales au lycée Saint-Louis et, en français, Guy Grand (qui atteint cent ans en 2015), futur inspecteur général . Il gardait le souvenir de ces deux professeurs « remarquables » . En plus de son succès à l’ENS en 1949, Christian obtint la même année le premier prix de français .
À l’École il pense d’abord s’orienter vers les maths, entraîné par ses professeurs, déjà célèbres : Louis de Broglie (prix Nobel 1929), Georges Valiron (1905 s), Jean Bouligand (1909 s), Henri Cartan (1923 s), André Lichnerowicz (1933 s) . Son attachement va surtout à Georges Darmois (1906 s) qui enseignait le « calcul des probabilités et statistiques » .
Suite à l’enthousiasme qu’avaient suscité les cours d’Alfred Kastler, il se tourne finalement vers les sciences physiques1, en rejoignant, de l’autre côté de la rue Érasme, l’équipe des physiciens, autour d’Yves Rocard (1922 s) et celle des chimistes sous la direction de Georges Dupont (1904 s) . Une place particulière doit être faite à deux de ses maîtres : Albert Kirmann (1919 s) et Charles Prévost (1918 s) . Il est frappé par l’étonnante mémoire de ce dernier que j’ai moi-même entendu faire ses cours de chimie organique sans la moindre note ! Malicieusement il remarque que Prévost est franc-comtois (Christian n’aurait certainement pas fait d’objection à la fusion de la Bourgogne et de la Franche-Comté !) .
Il prépare son diplôme d’études supérieures au « laboratoire de chimie organique des hormones » du Collège de France sous la direction du professeur Alain Horeau . Ce qui déterminera sa vocation .
C’est en tant que caïman au labo de chimie qu’il prépare sa thèse, travaillant quoti- diennement à côté de Guy Ourisson (1946 s) et d’André Julg (1948 s) . Yves Raoul, professeur de physiologie à la faculté de pharmacie de Paris, dirige ses recherches sur les vitamines antirachitiques D2 et D3 . Christian fréquente les labos de zoologie et de botanique de « la Nature », rue Lhomond, et, dans le service de physiologie, rencontre Louis Rey (1950 s) qui sera son ami et son collègue à l’IBANA de Dijon .
Fin 1957, à 27 ans, il est titulaire de sa thèse et sa candidature est acceptée en qualité de maître de conférences de chimie biologique à Dijon .
À cette époque, rares étaient les facultés qui délivraient des diplômes de chimie biologique . Ce n’est qu’en 1960 que cet enseignement fut introduit dans les études de biologie et de chimie . La chaire de biochimie générale, dont il fut le premier titulaire, ne fut créée à Dijon qu’en 1963 ; autour de lui, une véritable équipe pédagogique sut faire face à des responsabilités accrues nombreuses et variées : travaux pratiques, travaux dirigés, organisation de séminaires, examens, orientation des jeunes ...
Enseignant brillant, il fit des cours à divers niveaux devant des publics très variés pendant 37 ans . Il y avait fréquemment des médecins ou des pharmaciens déjà diplô- més (ma future épouse, pharmacien, a suivi son enseignement) ou des chimistes organiciens préparant un doctorat . Il assuma des responsabilités variées au cours de la mise en place de cet enseignement, nouveau à Dijon . Pour aboutir, dans les années 1990, à un auditoire de 700 élèves avec trois professeurs de biochimie : Denis Lorient, Bernard Maume et Christian .
Pendant une trentaine d’années il a développé un laboratoire de recherche en rela- tion avec la faculté de médecine (biologie médicale) recevant de nombreux savants étrangers, dont certains lauréats du prix Nobel (Chain, Watson) . Dès 1958, il avait été chargé par le recteur Marcel Bouchard (1917 l), constructeur de la nouvelle université de Dijon, sur le campus de Montmuzard, de promouvoir à Dijon un ensei- gnement supérieur de haut niveau concernant l’alimentation, allant de l’agriculture à la diététique en passant par la biologie, car, disait Marcel Bouchard, « on trouve en Bourgogne toutes les cultures de la France, sauf le riz et l’olivier » .
Cette impulsion aboutit à la création de l’IBANA : Institut de biologie appliquée à la nutrition et à l’alimentation, reconnu en 1972 comme École nationale supé- rieure d’ingénieurs : ENSBANA, devenue au troisième millénaire AgroSup Dijon . Christian enseigna à l’IBANA et à l’ENSBANA jusqu’en 1980 .
Il y anima jusqu’en 1991 un laboratoire de recherches dont les activités s’étalèrent sur deux périodes :
Jusqu’en 1980, les thèmes s’orientent au gré de collaborations fructueuses avec les industries chimiques et pharmaceutiques . C’est l’époque où de nouvelles techniques d’analyse se développent comme la chromatographie en phase gazeuse et la spec- trométrie de masse ; elles deviennent précieuses pour l’analyse des composants des arômes alimentaires (thymol, menthol, etc .) et pour la mise au point des méthodes d’extraction .
À partir de 1980, Christian Baron s’intéresse à la biochimie des hormones et des enzymes, et plus précisément à des enzymes d’intérêt alimentaire : la béta-galac- tosidase (hydrolyse du lactose), la myrosinase (responsable du brunissement de la moutarde), la HM CoA réductase (enzyme clé de la biosynthèse du cholestérol) et d’autres enzymes intervenant dans la fermentation malolactique .
En dehors de ces recherches académiques à Dijon, Christian Baron s’est penché dans les années 70-80 sur les grandes endémies et les états nutritionnels qui y sont attachés avec, au Bénin, la lutte contre la malnutrition protéo-énergétique et les anémies nutritionnelles (carence en fer et en acide folique) . Dans le cadre de ces recherches, il accueillit des collègues étrangers et dirigea les recherches d’élèves iraniens, togolais et égyptiens . Il effectua de nombreuses missions à Lomé pour ensei- gner et apporter son aide aux recherches .
Cette période correspondait aussi aux espoirs que l’on formulait pour l’alimen- tation humaine en valorisant l’exploitation des organismes unicellulaires et de leur contenu protéique . En collaboration avec l’Institut français du pétrole, Christian initia des recherches sur l’extraction et la décoloration des protéines de spirulines dans le but de leur utilisation en alimentation animale et éventuellement humaine .
Il fut très souvent sollicité pour participer à des jurys de soutenance de diplômes d’ingénieur, de thèses de doctorat, en France et à l’étranger, ainsi qu’au jury du concours d’admission à l’École polytechnique ou encore à celui de l’agrégation de physiologie-biochimie .
Auteur de plusieurs ouvrages de biochimie et de nutrition, il continua à la retraite à s’intéresser aux activités scientifiques concernant l’alimentation et à appartenir à l’Institut français de la nutrition .
Parallèlement à son activité scientifique, Christian s’engagea au service des autres en assumant des responsabilités au Rotary Club et en tant qu’élu de la ville de Dijon durant 30 ans (cinq mandats municipaux à Dijon) .
Dès 1965, plusieurs de ses amis le sollicitent pour une candidature sur la liste du chanoine Félix Kir, maire de Dijon, constamment réélu depuis la guerre (celui-ci avait alors 89 ans, et Christian 34) . La liste l’emporte avec une courte majorité .
Christian s’intéresse au travail de toutes les commissions . Il appartiendra à deux d’entre elles : Commission des travaux et Commission des affaires culturelles. À ce titre, avec Jean Thuillier (1951 l), professeur à la faculté des lettres de Dijon, il incite Pierre et Katleen Grandville à installer au musée des Beaux-Arts de Dijon ce qui allait deve- nir la célèbre « Donation Grandville », ensemble exceptionnel d’œuvres picturales des xixe et xxe siècles qu’admirent aujourd’hui tous les visiteurs de Dijon .
En 1968, le chanoine Kir décède . Robert Poujade est élu conseiller municipal .
En 1971, Christian Baron est élu sur la liste conduite par le futur maire, Robert Poujade, et devient adjoint à l’Enseignement . Période très active, attachante et passionnante, au cours de laquelle il préside notamment la Quinzaine nationale de protection de la nature et de l’environnement .
En 1977, la « liste Poujade », à laquelle il appartient toujours, est réélue . Il devient adjoint aux travaux et à la circulation. Nouvelle mission, pour laquelle il ne manque pas de dispositions puisqu’il avait obtenu 15/20 à l’épreuve d’« archi », au concours de l’X ; il utilise ses capacités lors de grandes réalisations (voies réservées aux bus, rues piétonnes, pistes cyclables, édification de plusieurs parkings et du nouveau Conservatoire de musique) .
En 1983, il est de nouveau sollicité pour appartenir à l’équipe Poujade qui est encore réélue . Il n’est plus adjoint et connaît un rythme de vie moins tendu . Il prend la présidence de la Commission des transports du district de l’agglomération dijon- naise . Malgré la diversité des options politiques qu’elle renferme, les dossiers qu’il présente recueillent l’unanimité . Et, au cours d’un cinquième et dernier mandat, il est reconduit dans cette même fonction .
Cette carrière magnifique lui valut sa nomination au grade d’officier dans l’ordre national du Mérite et dans l’ordre des Palmes académiques .
Ces souvenirs ont retracé les multiples activités de Christian . Ils ont évoqué plusieurs archicubes, des dijonnais en particulier . Mais ils n’ont pas assez souligné sa personnalité attachante : bienveillance et humour émanaient de sa personne . Très apprécié, il avait des relations simples et vraies . Il avait lui-même de l’estime pour des personnes très diverses, de toute condition . Son regard était avenant et il partageait sa bonne humeur en glissant de bons mots dans la conversation . Il était facteur d’unité et privilégiait la bonne entente . Comme l’évoque son ami Robert Poujade, il avait une aisance dans les relations, une convivialité, une disponibilité dans ses fonctions publiques qui l’ont fait aimer de ses collaborateurs et de ses collègues .
Marié en 1965 à Monique Beuchart, il a eu cinq enfants, il fut un époux et un père attentif . Soucieux d’une vie équilibrée, son épouse et lui-même appartenaient au Club alpin français . « Chef de route » pendant 20 ans, il a préparé minutieusement de nombreuses balades . Il y a côtoyé Pierre Vernier (1949 s), également professeur à la faculté des sciences de Dijon et dont il a rédigé la notice nécrologique en février 2011 .
Avec la retraite sa vigueur intellectuelle n’avait pas diminué, puisqu’en 2013, il organisa à Nolay avec plusieurs de ses anciens collègues universitaires un colloque et une exposition « Vers la maîtrise de l’énergie », consacrés au physicien Sadi Carnot, originaire de cette localité bourguignonne .
Christian Baron avait une éthique de chrétien pratiquant . La veille de sa mort, il rappelait à ses proches l’importance de l’espérance chrétienne .
Yves THÉVENIN (1954 s)
Note
1 . NDLR : L’appellation « sciences physiques » était en usage à l’époque . Il n’y avait alors qu’une seule et même agrégation pour la physique et la chimie . Les options physique et chimie ne furent créées qu’en 1959 .